Le temps d’une escale à Lomé au Togo, des membres de la délégation camerounaise en provenance du Brésil ont raconté leur déboire aux jeux olympiques.

Les gens vont et viennent ce mardi 23 août 2016 dans le hall de l’aéroport international Gnassingbé-Eyadema de Lomé au Togo. Tous ces passagers pour la plupart en transit, s’occupent comme ils peuvent le temps de l’escale. Bientôt, un homme, la trentaine, s’avance. Il est vêtu d’un ensemble jogging aux couleurs vert-rouge et jaune. L’homme est coiffé d’un chapeau de couleur rouge, floqué du symbole des Jeux olympiques. Il avance à pas lents. Derrière lui, d’autres hommes et femmes, vêtus de la même combinaison, marchent en rangs dispersés. Ils trainent de lourds sacs sur le dos ou à portée de main. Ce sont des athlètes camerounais. On a reconnu parmi eux, le jeune boxeur Wilfried Séyi, le porte-étendard de la Team Cameroun aux Jeux qui viennent de s’achever à Rio au Brésil.

Ils sont une dizaine en tout, en provenance du pays de la Samba (Brésil). Ils doivent passer quatre heures d’escale à Lomé avant de poursuivre le voyage pour le Cameroun. La délégation de sportifs est constituée de coachs et athlètes ayant pris part aux disciplines boxe, athlétisme, lutte, judo et haltérophilie aux J.O. Les volleyeuses camerounaises en compétition à Rio ont rejoint le pays un peu plus tôt, apprend-on. Pour certains athlètes, l’escale est l’occasion de faire quelques courses dans les boutiques. Ils se ravitaillent en pagnes dits « deux tons », en bijoux, en vins, entre autres articles.

« Quand tu vas débarquer au pays-là, ils seront nombreux, les membres de la famille et les amis qui vont vous rendre visite et demander des provisions»,

prévient un des coachs. Il range soigneusement ses articles dans son sac.

Des cas de maladies

Les autres membres de la Team Cameroun ont pris place sur les bancs disposés dans le hall de l’aéroport, l’air un peu abattu. Ils reviennent de la compétition bredouille, sans aucune médaille. Wilfried Séyi a le visage pâle, le regard un peu perdu dans le vide. Il parle à voix basse. Il faut prêter l’oreille pour déchiffrer ses dires. «Les jeux ont été durs. Je me sens un peu déçu parce que je n’ai pas pu gagner une médaille là-bas. Je savais qu’on comptait beaucoup sur moi et en tant que porte-étendard, je ne devais pas tomber à ce niveau de la compétition », murmure le boxeur qui concourait dans la catégorie des moins de 75 kg.

Le jeune homme de 18 ans a plié l’échine lors de son deuxième combat, en 8ème de finale. Il avait pourtant remporté son premier combat le 9 août, en battant le colombien Jorge Luis.Qu’est ce qui n’a pas marché pour le porte-étendard, quatre fois champion du Cameroun, médaillé d’or aux jeux nationaux, deux fois champion d’Afrique, vice-champion du monde militaire et deux fois vice-champion d’Afrique ? Le boxeur parle de la pression qui pesait sur ses épaules en tant que porte-étendard. Il évoque aussi un cas de maladie. L’athlète fait savoir qu’il souffrait de filaires.

Ali Annabel Laure, une autre athlète, évoque aussi des soucis de santé.

« Un mois avant la compétition déjà, j’étais malade. Je souffrais de paludisme. J’ai passé un mois de maladie à Abidjan, sans entrainement. Arrivée à Rio, j’ai rechuté pour une semaine»,

indique –t-elle. La lutteuse dit avoir donné le meilleur d’elle-même malgré la mauvaise forme. Une prestation qui lui aura permis d’obtenir le meilleur résultat de la Team Cameroun aux J.O. de Rio en pointant à la 5ème place mondiale dans la lutte libre chez les moins de 75 kg.

Préparation tardive

La camerounaise a perdu la finale de bronze, à un seul point de son adversaire, la Russe Ekaterina Bukina, la championne du monde de la discipline. La lutteuse camerounaise qui dit avoir entamé la compétition avec « sérénité et confiance » dénonce le système arbitral. Elle estime que les arbitres n’ont pas été cléments. « Les pays d’Europe de l’Est veulent gagner à tout prix. Ils ont des arbitres. Ils ont des présidents au sein de la fédération. Au début de mon match, pendant 30 secondes, personne de nous deux ne travaillait, et à moi, on me donne une pénalité d’un point. Et en lutte, un point c’est beaucoup pour aller le chercher. C’est cette pénalité qui m’a fait perdre. Parce que moi je menais », explique l’athlète âgée de 31 ans, pour justifier sa défaite.

Les membres de la Team Cameroun de Rio déplorent à l’unanimité le problème de préparation « tardive ». Auriole Dongmo, lanceuse de poids, reconnait que les jeux olympiques sont une compétition très relevée, où il faut fournir beaucoup d’efforts pour arriver au podium. La jeune dame de 26 ans dit n’être jamais rentrée d’une compétition internationale sans médaille ou sans avoir eu à battre son record.

« Les jeux olympiques se préparent en quatre années, pas en deux mois. Pour moi, je ne me suis pas bien préparée ! J’avais pour objectif de remporter une médaille. Je pense qu’il faut relever le niveau de préparation au Cameroun et mettre les athlètes dans les bonnes conditions»,

propose l’athlète, qui, malgré tout, a battu son record personnel comme à l’accoutumée. Elle est passée de 17,73 m à 17,92 m et a terminé 12ème. Clément Mbala, entraineur d’haltérophilie, tient entre les mains un nouveau « joujou» qu’il a acheté à Rio. Ce gadget, léger et facile à transporter, permet aux sportifs de se masser le corps confortablement, explique –t-il. Lui aussi, ne cache pas sa déception face à l’absence des stages de formation et la préparation tardive des athlètes. Des causes, qui d’après lui, produiront toujours les mêmes effets.

« On perd du temps à ne pas faire des stages, des compétitions, et nous constatons que nos gars à un moment manquent ce petit truc de la fin. Je crois que les autorités étaient là à Rio. Elles l’ont vu. Il ne faut pas trouver des gens pour participer, mais il faut les former. On met de l’argent pour la participation, mais pas pour la formation », fulmine l’entraineur d’haltérophilie.

Le chef de la délégation camerounaise n’a pas souhaité dire un mot à Lomé sur les jeux olympiques. Il donne rendez-vous au reporter au pays, lors d’une conférence qui sera organisée pour la circonstance. Les athlètes quand à eux disent être surpris de la réelle destination des milliards de F. Cfa débloqués pour la préparation de cette compétition et la couverture des diverses primes. Même si personne ne souhaite donner de détails, la seule évocation du sujet suffit pour ôter le brin de sourire sur les visages des interlocuteurs.

« Le peuple camerounais, qui pour la plupart est fâché aujourd’hui contre nous, doit se poser les bonnes questions. Parce que quand il y a une bonne préparation, les bons résultats suivent. 2020 se prépare maintenant ! », a conclu un athlète de la Team Cameroun de Rio.

Mathias Mouendé Ngamo, à Lomé au Togo