«Enterrés» : Le film qui déterre de redoutables souvenirs d’enfance enfouis
- 8 novembre 2021
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Le deuxième long métrage de la réalisatrice Bénino-Camerounaise Françoise Ellong fait la lumière sur des pratiques de pédophilie et de viol au sein des communautés ecclésiastiques.
Le silence et l’obéissance absolue au sein d’une congrégation religieuse, d’une famille ou d’une société. Voilà deux comportements que fustige Françoise Ellong dans son deuxième long métrage Enterrés, sorti en 2020. La réalisatrice à travers son film dramatique fait la lumière sur des pratiques de pédophilie et de viol au sein des communautés ecclésiastiques et sur la psychose qu’elles engendrent.
Des thématiques bien élaborées qui permettent au film produit par Nabe Daone Entreprises & Compagny de recevoir trois prix la même année de sa sortie. Il s’agit notamment du Prix Jury Afrique Centrale et du Prix de la meilleure réalisatrice reçus au Festival international Ecrans Noirs 2020 ; le Prix du meilleur costume au Festival Yarha 2020.
« Enterrés », c’est l’histoire de quatre amie(s) qui ont grandi dans un orphelinat et qui se rencontrent plusieurs années après au village Nkassoma, dans le département de la Mefou et Afamba, région du Centre au Cameroun. Ils s’adonnent à un jeu organisé par Ndewa (Anurin Nwunembom). Un jeu qui fait remonter des mauvais souvenirs d’enfance. Le récit est construit autour du passé des quatre amis. C’est à tour rôle que ces quatre acteurs principaux, dont Marie (Lucie Memba Bos), Agnès (Emy Dany Bassong), Hassane (Assala Kofane) et Ndewa prennent la parole pour raconter la misère endurée à l’orphelinat. Des circonstances douloureuses provoquées par un ennemi commun appelé Daddy.
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Enterrés déterre des démons du passé
En fait, Daddy c’est le prêtre de l’orphelinat. Le personnage sur qui l’histoire repose, mais qui est absent dans le film et désormais absent dans la vie des quatre amis. Tous vêtus de noir et de blanc, les anciens pensionnaires de l’orphelinat reviennent de l’enterrement de Daddy. Ils profitent d’ailleurs de l’occasion pour faire disparaitre avec lui, leurs mauvais souvenirs. L’on peut voir à partir des gros plans, les difficultés que chacun éprouve à déterrer les démons du passé. La peur prend place. Le suspense est au rendez-vous avec les mouvements de la camera qui tourne autour des amis assis sur des nattes. Les sujets qu’on ne pouvait abordés par le passé sont mis à nu, 32 ans plus tard.
La thématique est sensible. Elle fait référence à ce silence auquel l’enfant est très souvent réduit. Dans le film, les victimes de Daddy n’ont pas eu l’occasion d’être écoutés ou de se confier lorsqu’ils étaient enfants. C’est l’un des messages que la réalisatrice veut relever. Elle milite pour la cause des enfants qui, pour elle, devraient avoir plus d’attention de la part de leurs parents. Dans son premier long métrage W.A.KA (2013), elle montrait déjà les efforts conjurés d’une mère célibataire pour le bien de son enfant.
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Le dialogue en famille
Le film interpelle les parents à assumer leurs responsabilités vis-à-vis de leur progéniture. Le lieu ecclésiastique est un exemple qui peut aussi être la concession familiale, l’entourage, la société. D’où la nécessité du dialogue en famille. Dans Enterrés, la réalisatrice zoome effectivement sur le dialogue. Pour visionner le film entièrement, il faut être patient et écouter sur 1h37 minutes, ce long métrage tourné en un lieu.
Par ailleurs, « Enterrés » ne s’adresse pas à une congrégation religieuse ou à une ethnie en particulier. Cela peut s’expliquer à travers le choix des noms de certaines acteurs comme Marie (cher à l’église Catholique) et Hassane (nom musulman).
Tatiana Kuessie