G5 Sahel: Quels nouveaux enjeux pour la France et le Tchad
- 22 juin 2021
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Avec le nouveau gouvernement provisoire au Tchad et la mort du président Déby, de nouvelles configurations se dessinent dans l’avenir des relations entre ces deux États engagés dans la lutte contre le djihadisme dans le Sahel.
Michel Goya est un spécialiste de la guerre moderne, l’innovation militaire et du comportement au combat. Ce colonel des troupes marines est formel. Le Tchad est un allié important de la France qui s’y est établie depuis l’indépendance de ce pays d’Afrique. «C’est l’endroit où le plus de soldats français sont tombés au combat depuis 50 ans. Un des rares pays capables de mener des opérations extérieures, c’est-à-dire de projeter des forces dans les pays aux alentours », affirme Michel Goya qui note qu’il s’agit d’une alliance importante pour la France dans la lutte contre le djihadisme dans le Sahel notamment.
Le point de vue de ce spécialiste est contenue dans une émission, « Triptyque », réalisée il y a un mois et postée le 16 juin 2021 sur le compte Youtube de Maek Digital PR & Audience Mesurement, une agence de relation publique digitale dédiée à l’Afrique. La vidéo qui comptabilise 7000 vues à ce jour présente l’avis de deux autres spécialistes sur les questions du G5 Sahel, la lutte contre Boko Haram, et les positions du Tchad, Mali, l’Union Africaine…
Près de l’avis de Michel Goya sur l’importance du Tchad pour la France, Dr. Niagale Bagayoko, la présidente du réseau African Security Sector Network, reconnait le rôle du Tchad sur son territoire dans la lutte contre les groupes issus de Boko Haram, notamment l’Etat islamique de la province Afrique de l’Ouest, où le pays a un engament majeur depuis plusieurs années.
« Sur le plan Sahel Central, l’engagement tchadien a été déterminant notamment aux côtés des forces de l’opération Serval en 2013 »,
reconnait Dr. Niagale Bagayoko.
Le Tchad, un allié fragile de la France?
La spécialiste reconnait en Idriss Déby de regrettée mémoire, un grand stratège. Lui qui a fait miroiter le déploiement de ce fameux 8ème bataillon tchadien attendu pendant très longtemps. « Alors qu’il tenait un discours dur vis-à-vis de ses partenaires occidentaux en les rendant responsables de la déstabilisation du Sahel en raison de l’intervention en Lybie. Le fameux 8ème bataille tchadien est arrivé en mars 2021 seulement dans la région de Tera au Niger. Il s’est illustré non pas par ses performances opérationnelles, mais par le comportement de certains de ses soldats qui ont violé des civils, notamment une petite fille de 11 ans, des femmes enceintes sur les yeux de leurs maris », déplore -t-elle.
Et d’indiquer qu’il s’agit au Tchad d’une armée de guerriers. Mais s’agit-il d’une armée de soldats capables de respecter les règles professionnelles sur le terrain ?. « Cela en fait un allié très fragile de la France dans son engagement au Sahel », soutient -t-elle. Michel Goya dans le même sens, d’argumenter que les troupes tchadiennes se sont faites virées par deux fois de la République Centrafricaine pour leur comportement.
Le colonel s’interroge aussi de la transition politique au Tchad qui, si elle ne se passe pas calmement, peut offrir un scénario déjà vécu par le passé, beaucoup plus chaotique.
« Et ça poserait beaucoup de problèmes pour la France ; la position de la France vis-à-vis de cette situation, et sur l’ensemble du G5 Sahel. Il faut regarder de très près ce qui va se passer au Tchad dans les mois à venir»,
relève -t-il.
Le rôle régalien du Mali dans le G5 Sahel
Le Général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l’Onu reconnait aussi l’absence de discipline des troupes tchadiennes. Sur la question de l’impact sur Barkhane de ce qui vient de se passer au Tchad, le général pense que Barkhane est clairement dans une phase de transition en essayant de passer le relai aux pays africains et en essayant d’impliquer plus d’européens dans ses opérations.
« Le Tchad sur l’influence africaine dans la zone du G5 Sahel, c’est un renfort qui ne peut être que temporaire. Le gros problème, c’est le problème Malien (…) et de la capacité de l’Etat Malien à reprendre son rôle régalien dans les zones où il est absent. Qu’il y ait un renfort militaire qui arrive du Tchad, c’est une chose, on en a peut-être besoin dans les six mois ou l’année qui vient, mais il faut absolument faire l’effort sur l’approche régalien du Mali », affirme Le Général Dominique Trinquand dans « Triptyque ».
Les spécialistes déplorent l’absence de moyens suffisants aux organisations régionales pour des pressions économiques et actions militaires. Des organisations présentées comme toujours dépendantes des partenaires extérieurs et puis particulièrement de la France qui est la force (militaire) de réaction rapide de l’Afrique.