Spectacle: Droit de réponse d’un dictateur
- 22 mars 2021
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Un « Point de presse » a été présenté vendredi 4 décembre 2015 à l’espace culturel Tengang à Bafoussam.
Les discours des politiciens n’engagent que ceux qui y croient. Rappelons le avant de débuter le compte rendu de ce « Point de presse » auquel nous avons assisté le vendredi 4 décembre 2015 à Bafoussam, chef-lieu de la région de l’Ouest du Cameroun. L’évènement qui avait fait courir des journalistes et quelques curieux avait malheureusement été annulé quelques heures plus tôt. Mais le conférencier, visiblement très remonté, a tenu à délivrer un message en guise de droit de réponse.
Debout, la main gauche prenant appui sur une chaise, il débute son exposé en clamant haut et fort dans un ton à la limite menaçant: « je refuse de devenir un dictateur ! ». Lui, dans sa posture de chef de la nation démontre ensuite pourquoi il doit être maintenu à son poste. Cela ne sert à rien d’invoquer les vocables d’alternance, de démocratie et de constitution. Pour le conférencier, il s’agit de vains mots, vides de signification et pas adaptés à notre contexte.
« Nous sommes des bantous. Chez les bantous, le chef est un messie éternel… Il n’y a pas d’ancien chef », affirme –t-il pour justifier les raisons de son maintien au pouvoir. Lui, le « guide du peuple », a une explication pour justifier l’usage des canons contre les civiles lors des manifestations. Cela n’avait rien de bien méchant. « C’était pour vous éprouver ». Ayant pris place sur la chaise, notre interlocuteur qui parle tout seul et n’accepte aucune question, tient aussi à donner une explication sur les contestations qui surviennent à l’issue de la programmation des résultats des élections. « Vous avez le droit de vote et nous le devoir de publier les résultats en corrigeant vos erreurs ».
La constitution ? Pourquoi elle a été modifiée ? C’est justement pour que vous ayez toujours la chance de l’avoir comme guide et parent. Et d’ailleurs change –t-on un parent, demande –t-il. Et pour tous ces détournements de fonds dont il est accusé alors, le conférencier, dans son droit de réponse, reconnait avoir pris de l’argent dans les caisses quelques fois, mais c’était pour de bonnes raisons car vous le savez vous-mêmes, «être à la tête de l’Etat est un état d’être qu’il faut entretenir».
Wakeu Fogaing dans la peau d’un dictateur
Attention ! Ne vous faites pas d’illusion, ces paroles et tous ces arguments qui vous arrachent le fou rire ou vous irritent ne sont pas tirés d’un véritable point de presse d’un chef de la nation. Non. Nous sommes dans une pièce théâtrale de Wakeu Fogaing baptisée « Point de presse » à l’espace culturel Tengang à Bafoussam. Le directeur de la compagnie Feugham qui la présente pour la deuxième fois veut relever les non-dits des discours politiques. Il ne s’est pas mis dans la posture de ces autres comédiens engagés qui s’attaquent avec virulence aux dictateurs.
Wakeu Fogaing, pour mieux faire passer son message, est entré dans la peau du dictateur, pendant 20 minutes. « Dans la parole du dictateur, il y a énormément de pièges qui peuvent nous faire applaudir », prévient « Monsieur N’importe qui ». Du nom de baptême de ce personnage qui lui colle à la peau depuis 1999. Wakeu Fogaing est plongé dans l’univers du théâtre depuis 1984. Il a créé la compagnie Feugham le 3 novembre 1993. Wakeu Fogaing est décédé lundi 22 mars 2021.
Mathias Mouendé Ngamo, à Bafoussam