David Nkwété.  Le jeune camerounais âgé de 30 ans gagne sa vie à Douala depuis 1997, en fabriquant des pièces de rechange pour véhicules à partir de caoutchouc.   David Nkwété tient un couteau dans une main, un gros morceau de caoutchouc dans l’autre. Il vérifie que le couteau est bien limé, puis entaille le bout de caoutchouc qu’il vient de poser sur le banc devant lui. Il s’arrête de temps à autre pour passer son coutelas à la lime, puis il reprend du service. Le travail de l’artiste est minutieux. Aucun geste ne semble inutile et au bout de trois minutes, l’œuvre se dévoile. C’est un boulon qui sert de bouchon de respiration pour le moteur d’un moto-taxi, déclare le jeune homme. Il y ajoute du design sur les bordures du bouchon. Un vrai travail d’artiste. Cette pièce de rechange en caoutchouc sera utilisée pour remplacer une pièce originale, en métal. David Nkwété fait ainsi partie de ses fabricants de pièces de rechange en caoutchouc, installés le long d’une rue non loin du lieu-dit « Texaco Ngodi » à Douala. Sur l’étal du commerçant de fortune il y a tout d’un tas de bric et de broc. Des cylinblocs, pour reprendre le terme exact utilisé en ces lieux. Il y a des cylinblocs pour tout. Des cylinblocs pour roues de voiture, pour amortisseurs, demi-chassie, pose-pieds, bavettes, tout… A l’aide de caoutchouc, David Nkwété et ses « camarades » du coin parviennent à reproduire des pièces de différentes matières, selon un modèle à eux présenté. « Lorsqu’une pièce originale s’abime sur un véhicule, nous créons des pièces de rechange en caoutchouc qui s’adaptent sans problème », explique David Nkwété. Sa clientèle se recrute chez les automobilistes. Mais le business s’effectue plus en collaboration avec des mécaniciens. Ces derniers jouent une sorte d’intermédiaires entre leur client désireux, et les fabricants de pièces de rechange. Des vendeurs d’accessoires automobiles font également partie du répertoire clients de David. « Il arrive même qu’on me passe la commande d’une pièce qui n’a rien à voir avec l’automobile. Je reproduis exactement ladite pièce, à partir d’un dessin, d’une description ou d’un modèle», détaille David. Le prix de chacune des réalisations est fixé selon la pièce et à la tête du client. « La pièce la plus chère pour un accessoire de voiture coûte 1 000 F. Cfa », précise David. Il relève qu’en ce qui concerne la matière première, il se ravitaille en roue chez des particuliers, des chauffeurs camions, et dans certaines sociétés de la place, contre rémunération. Les roues qui contiennent du fil de fer ne sont pas acceptées pour cette tâche. A cette matière première, il faut ajouter le matériel de travail de fortune constitué d’un couteau, une lime à main, un morceau de fer pour réaliser des trous dans le caoutchouc, un stylo à bille et un mètre. Et comme toute activité, les difficultés ne sont pas à exclure. « Il arrive souvent que je me tranche le doigt lorsque le couteau est trop tranchant. Aussi, il arrive quelques fois que je ne parvienne pas à réaliser certaines pièces commandées. Là, je perds un temps précieux et de la matière», confie David Nkwété. Par-dessus tout, il y a cette menace de déguerpissement de la Communauté urbaine de Douala (Cud) qui plane. « Les agents de la Cud nous menacent souvent, mais heureusement pour nous, ils sont réceptifs à nos supplications ». 15 ans dans le caoutchouc Agé de 30 ans, David Nkwété est lancé dans cette activité de la transformation et la vente de pièce en caoutchouc depuis 15 ans. Il n’a pas fait long feu sur les bancs. Il arrête ses études en classe de Cours moyen 1 à Mbouda, après le décès de son père. Il est alors âgé de 12 ans. En 1997, il se rend à Douala chez son oncle. Ce dernier déjà en plein dans le caoutchouc, l’initie. Le jeune David apprend vite les rudiments du métier et il s’installe à son propre compte. « C’est grâce aux revenus que je récolte ici que je nourris ma femme, mes deux garçons et mes filles  jumelles. Mon activité me permet également de payer la scolarité de mes deux petits frères », confie David Nkwété, qui indique qu’il peut faire une recette journalière de 5 000 F. Cfa. Le petit débrouillard a par ailleurs des aptitudes en dépannage de véhicules, ce qui lui permet d’arrondir ses revenus. Mathias Mouendé Ngamo