Maximilienne Ngo Mbe. Pour la directrice exécutive du Réseau des défenseurs des Droits humains en Afrique centrale (Redhac), l’incendie de la prison de New-Bell ne va pas modifier  “le calendrier du chef de l’Etat”.   Avez-vous visité la prison de New-Bell après l’incendie ?   Je ne me suis pas rendue personnellement sur les lieux, mais j’ai un prévenu dont je suis le dossier en justice. Je l’ai contacté et j’ai eu des informations. J’ai essayé de caller un rendez-vous avec le régisseur, je n’ai pas pu. Nous comptons nous rendre à la prison centrale de Douala. C’est une alerte. Il faut qu’une enquête soit ouverte. La dernière enquête que nous avons faite à la prison date de 2008. Il y avait eu évasion massive et huit détenus tués. Nous avions saisi les autorités camerounaises et décrions le fait que la prison de New-Bell construite avant les indépendances pour 300 à 800 places, compte aujourd’hui plus de 5000 prisonniers. Soit une surpopulation de près de 300%. Il y a plus de prévenus que de détenus. On annonçait la construction d’une deuxième prison. On avait salué l’initiative, mais il n’en est rien aujourd’hui, à l’air des grandes réalisations. Il faut faire un tour à la prison pour voir dans quelles conditions vivent les détenus. Dans quelles conditions vivent les détenus recasés? Les conditions mêmes des détenus de la prison sont inhumaines et dégradantes. Il y a en prison des innocents, des présumés innocents, des pères de familles, des condamnés à mort. Les enfants de 15 ans se couchent les uns sur les autres. J’ai vu en prison des enfants et femmes obligés de payer pour poser la nuque sur un mur pour dormir. La cellule des femmes est ouverte et tout détenu peut y accéder. J’ai appris qu’après l’incendie, on a mélangé tout le monde. Les braqueurs de grands chemins, les condamnés à mort, les mineurs. Ca ne peut que créer des situations d’insécurité avec le trafic de drogue et d’arme qu’on connait à la prison centrale de Douala. Un court-circuit est évoqué comme cause de l’incendie C’est possible, parce que la prison est vétuste. Il y a des fils partout. Il suffit d’une petite étincelle pour que tout soit par terre. Je penche plus pour un court-circuit qu’une main criminelle. Maintenant est-ce un incendie prémédité ? Peut-il avoir un impact sur le déroulé des procès de l’opération épervier ? Incendie ou pas, le président va aller jusqu’au bout de son calendrier, qu’il pleuve ou qu’il neige. Des magistrats poursuivront, en attendant les coups de fil de l’exécutif. Il y a un calendrier précis de l’opération épervier, managé par le président de la République. Que des documents soient perdus ou brûlés, ce ne sera pas un argument solide devant le magistrat qui a son dossier devant lui. De plus, ces détenus « Vip » ne peuvent pas avoir des documents dans un seul endroit, dans l’Etat policier dans lequel nous vivons. Quelles mesures à prendre au lendemain de ce sinistre ? Il faut que le président ordonne une enquête impartiale et indépendante avec des associations de défense des Droits de l’homme qui travaillent effectivement sur le terrain, des partis politiques, des magistrats, des journalistes, des personnalités religieuses et traditionnelles, des architectes. Pour qu’on lui apporte pour une fois un rapport clair et un dossier complet pour la construction rapide d’une prison. Commettre ensuite des juges d’instruction qui sortiront les dossiers des prévenus. Relaxer les innocents et ceux qui ont déjà purgé leur peine. Rediriger les autres vers la nouvelle prison pour désengorger celle de New-Bell. Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo