Musée de Foumban: Au cœur de la civilisation Bamoun
- 18 février 2013
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L’histoire de ce peuple de la région de l’Ouest est retracée à travers un millier d’objets symboliques et œuvres d’art anciens.
Il ne va pas s’agir d’une simple visite d’objets anciens dans le musée du palais des rois Bamoun de Foumban. Bien plus, c’est un voyage au cœur de la civilisation du peuple Bamoun. Son histoire, ses symboles, ses rites, ses guerres, et les rois qui se sont succédé pendant près de 600 ans. Tout est contenu là, à travers un millier d’objets inanimés. Mais ne vous faites pas d’illusion, « le musée est bien vivant », affirme Alidou Njikam Tounessah, guide au musée depuis plus de dix ans. C’est lui qui ouvre les portes de l’édifice ce samedi 17 novembre 2012 aux membres de la Cameroon Arts Critic’s (Camac), l’association des journalistes culturels du Cameroun, en excursion.
Les reporters sont les premiers visiteurs de ce samedi. Les esprits du musée dorment peut-être encore. Le silence du palais est bientôt violé par une série de questions et d’étonnements. Les premières interrogations portent sur l’architecture même du palais. Ce temple, apprend t-on, a été construit en 1917 par le roi Ibrahim Njoya. La première bâtisse, R+1, a d’abord été élevée en bois et en bambou. A chaque rébellion, le palais était incendié. En visite à Buea, dans le Sud-Ouest, le roi Njoya découvre des bâtisses construites en terre cuite par les Allemands et décide de modifier l’architecture du palais, qui accueille le musée en 1922, sous l’ère Njimoluh Seidou.
Chacune des pièces du musée de Foumban est chargée de symbole et de signification. Tenez par exemple. Ce collier perlé de dents de panthère symbolise la puissance. Cet autre collier de laiton accroché tout à coté était remis aux soldats qui rapportaient beaucoup de têtes d’ennemis au roi. Notre guide déclare que l’actuel président de la République du Cameroun, Paul Biya, a reçu une copie de ce collier de laiton en 1985, trois ans après son accession à la magistrature suprême. Ces autres coiffes avec des motifs de crapauds symbolisent la fécondité, tandis que ceux là, avec des motifs de cacahouètes appellent à l’abondance.
Le roi Mbuembue
Le manteau de plumes qu’arborent tous les rois lors de leur intronisation est accroché dans un coin du musée. L’usure du temps n’a pas eu raison du vêtement. On retrouve tout près du manteau de plumes, quelques emblèmes du roi, notamment son tapis en peau de panthère qui mesure 15 mètres, son chasse mouche en queue de cheval et les deux ivoires d’éléphant que l’on place derrière le siège du roi pour symboliser sa grandeur et sa puissance.
Au milieu de tous ces objets anciens, il y a des motifs en forme de crabe, d’araignée et de serpent qui reviennent plusieurs fois. Ces trois animaux sont très représentés dans les lieux culturels Bamoun. Les étudiants de l’Institut des Beaux-arts de Foumban ont intégré ces figures dans leur représentation pour la grande parade d’ouverture du Nguon 2012, le festival traditionnel et culturel du peuple Bamoun, rendu à sa 544ème édition. A en croire Alidou Njikam Tounessah, l’araignée symbolise le travail et la sagesse.
Quand au célèbre serpent à deux têtes considéré dans l’opinion publique comme la marque de la traitrise du peuple Bamoun, le guide y apporte une autre explication. Il indique que le serpent à deux têtes est une conception du roi Mbuembue, le 11ème roi de la dynastie Bamoun, fondée par Share Yen. Attaqué à la fois à l’Est et à l’Ouest, il aurait divisé son armée en deux, afin d’attaquer ses ennemis sur tous les fronts. Le serpent à deux têtes est plutôt considéré, d’après le guide, comme le symbole de la vigilance et de la prudence en pays Bamoun.
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Trophées de guerre
Rangés dans un autre espace du musée de Foumban, des crânes d’hippopotame et de buffle retiennent l’attention d’un reporter. « Ce sont des vrais ? », demande t-il. Oui, rétorque le guide. Il s’agit en fait de trophées de guerre. Et le musée en compte plusieurs du genre : un costume orné de touffes de cheveux d’ennemis décapités, une calebasse décorée de crânes d’ennemis tués lors des combats, entre autres. L’histoire enseigne que les rois, pour faire montre de leur puissance, se servent desdits crânes comme verre, pour se désaltérer. A voir le nombre impressionnant de trophées de guerre que compte le musée, on comprend que le peuple Bamoun a livré plusieurs batailles sanglantes. Au milieu de tous ces crânes, il y a celui de Nji Ankuem.
« C’était un guerrier Bamoun qui profitait de la mêlée du combat, tuait ses frères pour les présenter au roi, à la place d’ennemis décapités. La découverte de ce forfait entraina sa mise à mort »,
raconte Alidou Njikam Tounessah, le guide. Un autre notable de la Cour a été décapité par le 17ème roi de la dynastie, parce qu’il n’obéissait pas à la reine mère.
Mais l’un des rois qui aura marqué l’histoire du peuple Bamoun à travers sa carrure et ses batailles, c’est le roi Mbuembue, 11ème de la dynastie. Une chambre du musée est en partie dédiée à Mbuenbue. Sur une façade de ladite pièce, les visiteurs découvrent le portrait du roi, réalisé par un artisan du royaume. On apprend à travers la légende de l’œuvre que le roi Mbuembue mesurait 2,60 mètres de hauteur. Il avait une tête, des oreilles et des yeux énormes. « Lorsqu’il parlait, on l’entendait à 6 kilomètres à la ronde. Et lorsqu’il grondait, il se faisait entendre sur 15 kilomètres. Il restait couché pour s’entretenir avec ses visiteurs. Lorsqu’il s’asseyait, ceux-ci prenaient la fuite », apprend t-on de ce guerrier qui a déclaré un jour :
« je tracerais les limites de mon royaume avec le sang et le fer noir. Lorsqu’on trace des frontières avec la bouche, elles s’effacent ».
Sous le règne de Mbuembue, la superficie du royaume Bamoun est passée de 700km2 à 7500km2. Près du portrait du roi, on découvre ses armes de guerre, la « pipe du géant », qui était soutenue par plusieurs personnes lorsque le roi fumait.
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Njoya et ses grandes inventions
Le musée de Foumban n’est pas seulement rempli de fusils de guerre, lances empoissonnées et autres armes. Il y a également des objets pour la protection, comme ces masques avec têtes d’oiseau, que l’on mettait au dessus des toits pour chasser les mauvais esprits. Il y a aussi ce luth, instrument de musique joué pour les malades, la tenue de Mangweloune, la danseuse du roi Njoya Ibrahim. Lui, le roi Njoya Ibrahim, a marqué l’histoire du peuple Bamoun par de nombreuses inventions. Njoya crée des épaulettes pour l’armée, le calendrier des récoltes. En 1896, il invente l’alphabet Shü mom (encre du peuple Bamoun) en 510 signes, réduits quelques années plus tard en 80 syllabes. Avec cette écriture, le roi Njoya écrit des livres sur la médecine traditionnelle. Certains ont déjà été traduits en français.
Lié à 600 femmes, le roi Njoya crée des actes de mariage et rédige « Le livre de l’amour » qui comporte deux chapitres. Le premier s’intitule « Le kamasutra du roi Njoya ». Et le second présente les 99 critères pour apprécier une femme.
« Il y a une école qui enseigne l’écriture du roi Njoya. Elle sera bientôt rendue officielle », relève le guide.
Quelque part dans le musée, le moulin à moudre le maïs du roi Njoya est encore sur pied. L’histoire révèle aussi qu’à la conquête de puissance, le roi Njoya a créé sa propre religion et sa propre bible, « poursuit et atteint », qui puisent leur socle dans les versets de la bible, du coran et dans les rites traditionnels qui conviennent au roi. C’est à cette époque que le titre « sultan roi » est né, apprend t-on.
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Un autre musée en construction
C’est au total plus de mille objets exposés dans de ce musée de Foumban, qui retracent l’histoire du peuple Bamoun. Une histoire apprise à près de 7000 visiteurs chaque année. On a enregistré 6613 visites au musée en 2008, d’après le registre. Les touristes sont de différentes nationalités. Chaque visiteur débourse la somme de 1000 F. Cfa. A en croire Alidou Tounessah Njikam, une partie d’objets anciens et œuvres sont conservés dans la réserve, l’espace du musée de Foumban devenu étroit. Alidou Tounessah Njikam informe qu’un autre musée est actuellement en projet de construction, non loin du palais. Il y sera exposé un plus grand nombre d’objets. Ce qui permettra sans doute aux futurs visiteurs de découvrir toute l’histoire du peuple Bamoun.
Mathias Mouendé Ngamo, de retour de Foumban