Tabaski 2021 : Quand la crise anglophone et le Covid-19 entrainent la flambée du prix du mouton à Douala
- 19 juillet 2021
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A la veille de la Tabaski 2021, les prix des moutons oscillent entre 40 000 et 200 000 F. Cfa dans les marchés. Une flambée imputée à la pandémie et à la crise sécuritaire qui sévit dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun.
Depuis quelques semaines, un marché périodique de moutons a vu le jour dans la ville de Douala au Cameroun. Il est situé non loin du supermarché Grand-Mall sur l’axe routier qui mène à l’aéroport international de Douala. De part et d’autre de la route, des commerçants ont installé leur commerce de bétail. Ici, vendeurs et acheteurs de moutons se donnent rendez-vous presque tous les jours dans ce marché spontané en vue des préparatifs de la Tabaski 2021.
Les prix des moutons proposés oscillent entre 40 000 et 200 000 F. Cfa en fonction du choix du client. Mais les acheteurs se plaignent de la hausse du prix du mouton cette année. A en croire les commerçants, cette flambée est due à la pandémie du Covid-19 et à la crise sécuritaire qui continue de sévir les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest.
« Auparavant, on importait les moutons des pays voisins tels que la Guinée, le Gabon. Avec la fermeture des frontières, ce n’est plus possible »,
explique Sani Mohamadou, un commerçant.
Il précise qu’il disposait de 70 têtes de mouton à l’ouverture de ce marché périodique. Par jour, il écoule sept à huit béliers.
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Des taxes à payer aux séparatistes
L’autre raison qui justifie cette flambée des prix du bétail sur les marchés est la crise sécuritaire qui secoue le Nord-ouest et le Sud-ouest. Certains grossistes se ravitaillent en effet en moutons dans ces deux régions du pays pour alimenter les marchés de Douala. Seulement, les bêtes qui proviennent principalement des villages du département du NgoKetunjia (pour le cas du Nord-Ouest) sont interceptées par de présumés séparatistes qui prélèvent des « taxes » auprès de ces commerçants avant de laisser passer la marchandise.
«Pour faire sortir les moutons dans les brousses de la région du Nord-ouest, tu dépenses environs 100 000 F. Cfa. Les ‘’ambazoniens’’ ont leurs contrôles. Tu es obligé de donner de l’argent pour qu’on te laisse passer. Un peu plus loin, il y a le contrôle mixte des forces de l’ordre qui va prélever aussi sa part », déplore Sani Mohamadou, un commerçant de mouton dans la ville de Douala. Ismaïla Yacoubou, un autre vendeur, relève qu’il faut débourser au moins 400 000 F. Cfa pour acheminer la marchandise dans la capitale économique
Sani Mohamadou se réserve de donner le nombre de moutons que les présumés séparatistes ont retenu en route lorsqu’il les transportait de la région du Nord-ouest à destination de la ville de Douala. Deux voitures transportant des moutons ont été interceptées par ces séparatistes. Ismaïla Yacoubou, venu avec sa marchandise de la région du Nord-ouest pour l’écouler à Douala, a vu plus de cinq de ses moutons être descendus de la voiture.
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Des moutons du Tchad pour la Tabaski 2021
Ousman Aminou, lui, s’est rendu au marché périodique avec 50 moutons. Il s’est ravitaillé au Tchad voisin. A deux jours de la fête qui sera célébrée le 20 juillet 2021, il a déjà pu écouler une vingtaine de têtes. D’autres clients ont effectué des réservations. Le vendeur constate cependant qu’il y a une baisse de la clientèle par rapport à l’année dernière.
« Il n’y a pas assez de clients cette année. Les gens se plaignent qu’il n’ont pas d’argent »,
déplore -t-il.
Pour lui, le coût de transport pour faire sortir la marchandise des villages du Tchad est exorbitant. Il faut débourser 1 000 F. Cfa par tête pour déplacer le bétail de son lieu d’achat vers le centre-ville du Tchad. Ensuite, pour acheminer les bêtes à Douala, il faut encore payer au chauffeur du camion en moyenne 5 000 F. Cfa par tête.
Entre autre difficultés rencontrées par ces commerçants, figure le harcèlement des policiers et gendarmes de l’aéroport qui chassent ces commerçants à longueur de journée. Selon ces derniers, les hommes en tenue les somment de ne pas mener leurs activités commerciales près du supermarché Grand-Mall. Comme autre difficulté, les vendeurs évoquent le prix des aliments pour nourrir le bétail sur place qui a augmenté. La poudre fréquemment utilisée est passée de 10 000 à 25 000 voire 30 000 F. Cfa, apprend-on. Le risque de voir ses moutons se confondre avec ceux des voisins est aussi déploré par Ousman Aminou qui a déjà égaré une de ses bêtes.
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Bien négocier le prix du mouton
Les consommateurs sont les moins lotis dans cette situation. Mohamadou Hadi, l’imam de la mosquée du lieu-dit Carrefour Mutzik à Bonabéri, s’est rendu dans ce marché périodique dimanche 18 juillet 2021 pour s’offrir un mouton pour la fête du sacrifice. Une fois sur place, il a fait l’amer constat de la cherté du bétail. « Je ne dispose que de 30 000 F. Cfa. On me parle de 45 000 en montant. Je me rends compte que les prix ont augmenté. Ce n’est pas comme l’année dernière. Dans tous les cas, je vais m’arranger avec le vendeur pour avoir un mouton », s’est -t-il résolu. Si la négociation est favorable, l’imam pourra passer de joyeuses fêtes de la Tabaski 2021 avec les siens.
Moustapha Oumarou Djidjioua