Alpha Food, une Pme de jeunes ingénieurs camerounais qui produit des repas express à base de semoule de cette tubercule transforme 250 tonnes de manioc à l’heure.

Il aura fallu quinze années de recherche aux ingénieurs camerounais regroupés au sein de Alpha Food pour trouver la bonne formule. La Petite et moyenne entreprise (Pme) spécialisée dans la transformation alimentaire locale a choisi comme défi de dompter le manioc. Cette tubercule qui abonde dans les champs n’est pas aussi facile à apprivoiser de manière industrielle. Car une fois sortie de terre, elle se dégrade rapidement et nécessite d’être conservée dans les 24 heures.

Sur les 20 qualités de manioc disponibles au Cameroun, c’est le 80/34 qui a retenu l’attention de ces chercheurs. Ils ont conçu eux-mêmes des machines adaptées et parviennent à ce jour à transformer 250 tonnes de manioc à l’heure dans l’usine basée à Douala.

Cette tubercule transformée est utilisée dans la production de repas express. Le produit baptisé Fariblé et conditionné dans des boites est une mixtion de 80% de semoule de blé dure et de 20% de semoule de manioc précuit. Présent dans des surfaces commerciales de la place, il a été mis sur le marché pour la première fois en janvier 2020. Une sauce, Njinga, un concentré de 20 condiments, accompagne le repas qui n’a besoin que d’eau chaude pour être prêt à la consommation.

Avant d’aboutir à ce produit final, tout commence par le ravitaillement. Alpha Food dit s’approvisionner dans un rayon de 200 km à la ronde. L’entreprise reçoit notamment du manioc en provenance du bassin de production d’Edéa, de Foumbot dans le Noun et d’agriculteurs qui s’engagent à fournir cette tubercule de manière régulière, apprend-on.

Dans la cuisine de Fariblé

Dans l’usine de Fariblé à Douala

Une fois les tubercules livrées à l’usine, le processus de transformation peut débuter. D’après Mérimé Eke, le directeur d’usine, le manioc passe d’abord sur un tamis pour le nettoyage des terres et autres saletés. Les étapes d’épluchage, de lavage et de broyage suivent. Puis intervient le mélange avec certains ingrédients. Le tout passe dans la ‘’boite noire’’, où le cyanure, un gaz indésirable, est extrait.

Le manioc poursuit son circuit dans la zone d’épuration, puis dans la zone de granulométrie où sont séquencées les tailles de graines utiles pour la production. Les semoules se dirigent finalement vers une zone où elles sont déshydratées pour durer au maximum. Fariblé ainsi obtenu est conditionné dans des boites. La sauce Njinga qui l’accompagne est quant à elle préparée dans un laboratoire, apprend-on.

«Dans la sauce  Njinga, on y retrouve des ingrédients comme le curcuma qui a des propriétés d’un antioxydant et anti-inflammatoire. Il prévient certains cancers. Il y a également du gingembre qui est un antibactérien et la tomate, un aliment anti-cancer riche en vitamine C et E qui réduit le risque d’Avc et agit contre l’hypertension artérielle. Dans notre production nous ne mettons pas de produits chimiques. C’est sans colorant, sans conservateur et permet de manger bio et propre»,

vante Mérimé Eke.

Il rappelle que Fariblé a une valeur nutritionnelle qui correspond, pour 70 grammes du produit, à 7,35g de protéines ; 52,5g de glucides ; 1,75g de lipides et 9,1g de fibres alimentaires.

Le rendement du manioc

Des tubercules de manioc

Mais tout ne se passe pas sans difficultés pour ces jeunes entrepreneurs lancés dans la transformation du manioc. Au début de l’aventure déjà, la mise sur le marché d’un premier produit alimentaire fait à base de 100% de manioc n’a pas tenu la promesse des fleurs. Les promoteurs pointent du doigt le manque de la matière première en quantité nécessaire, dans un pays où le rendement du manioc est actuellement de 13 kg à l’hectare.

Les ingénieurs camerounais derrière le projet Alpha Food disent être à pied d’œuvre pour faire passer ce rendement à 25 tonnes à l’hectare.

« On peut construire 50 entreprises autour de la transformation du manioc au Cameroun On peut y extraire plus d’une dizaine de produits dérivés »,

martèle le directeur d’usine. Une idée d’entreprise donc pour plusieurs autres jeunes chercheurs et entrepreneurs locaux pour valoriser le Made In Cameroon.

Aussi, certaines opérations s’effectuent encore manuellement dans cette ligne expérimentale de production qui emploie une trentaine de camerounais. Qu’en est-il des répercussions du Covid-19 sur l’activité, la Pme qui dit avoir mis de côté des stocks de sécurité avant la déclaration de la pandémie au Cameroun, n’est pas durement touchée pour l’heure.

Actuellement, la Pme projette de revoir à la hausse le pourcentage du manioc dans Fariblé. Il est prévu de voir dans quelle mesure passer de 80% de blé/20% de manioc à 50% pour chaque composante dans un premier temps.

Mathias Mouendé Ngamo