Voyager et aller à Mbeng pour la première fois. Ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué cette nuit-là quand j’ai emprunté le taxi pour l’aéroport international de Douala. Non. Mais c’est surtout ce que j’ai vécu et découvert, et dont j’étais loin de l’imaginer.

Je n’ai pas l’habitude de trop parler de moi en tant que personnage principal du récit dans mes billets. Mais vous comprendrez bien que cette fois-ci, je n’avais pas vraiment le choix. Allons direct au fait. Quelques membres de la famille se sont réunis à la maison ce soir. Les oncles, les tantes, les cousins et les cousines sont là. Un gars doit voyager pour aller à « Mbeng » pour sa première fois. Vous comprenez donc pourquoi cette grande mobilisation d’au revoir.

Les premières discussions entre les convives se font autour de bouteilles de jus et de bières. L’ambiance est bon enfant. Trente minutes plus tard, tata Chantal fait son entrée. C’est la « religieuse » de la famille

« Il faut confier le voyage de notre fils au Seigneur », dit t-elle.

Moi en tout cas, je ne suis pas contre cette idée. Tata Chantal entame la prière. Elle fait des invocations, récite des versets bibliques, entonne des chants. Un moment, elle est comme en transe. Vingt cinq minutes de méditations. Un gars regarde juste l’horloge. Il ne faut pas être en retard et rater le passage de l’oiseau du blanc oh. Petit repas en famille avant le départ pour l’aéroport international de Douala. Je n’ai rien mis en bouche. Juste un verre d’eau.

En route pour l’aéroport international de Douala

Le vol est prévu pour 01H55. Mais on ne sait jamais. « Quand la malchance te poursuit, même la chèvre peut te mordre », disait t-on entre amis au lycée. Il faut partir. L’ancienne petite (ex-copine) est venue dire au revoir à son ancien prince charmant. Je vous fais grâce des petits mots mêlés de douceur et de regrets. 20h30 min. Nous sommes donc dans le taxi, en direction de l’aéroport international de Douala. Nous y arrivons vingt minutes plus tard.

A peine le taxi nous a déposés devant le portail d’entrée de l’aéroport, que trois jeunes gens s’approchent de nous. Ils se proposent de peser nos bagages et de les emballer à convenance. « Grand c’est mieux de faire ça ici. On va vous compliquer la vie là bas en haut pour rien », lancent t-ils. Petit moment d’hésitation, puis nous cédons. Ça fait 23 kg et 21 Kg pour les deux sacs. L’emballage des deux sacs avec du plastique collant est taxé à 4000 F. Cfa. Nous proposons 3000 F. Cfa aux  petits débrouillards. Le marché est conclu. Pendant la manœuvre, les cordes d’un des sacs cèdent.

« Ce n’est pas grave. Puisque de toute façon ce sera emballé »,

rassure un des débrouillards. Le nom est inscrit avec du marqueur sur les colis.

C’est chaud !

Il est déjà 21 heures. On hâte le pas. On monte les escaliers. Nous voici dans le hall de l’aéroport. Mama !!!… c’est seulement le marché central ? L’endroit grouille de monde. Il y a un grand vacarme. Nous avons placé nos bagages dans un petit coin. On attend aussi. Il n’y a pas de climatisation ici. La chaleur devient insupportable. Mon ami Bobbo a vite fait d’ôter son t-shirt et de rester juste avec un démembré sur le buste.

« Tchaï… la chaleur là peut tuer quelqu’un ici hein à l’aéroport international de Douala. Alors que de l’autre côté-là à Mbeng, il y a la neige. Pardon arrivé là-bas tu nous envoies les photos de l’aéroport »,

regrette t-il.

La copine (actuelle) est calme dans un coin. Elle ne dit presque rien. On attend. On attend toujours. Et s’il vous plait, on est debout pendant tout ce temps. Il n’y a pas une seule chaise ou un banc public dans les parages. Et le monde continue d’affluer dans le hall.

Moustiques internationaux

L’appareil photo crépite. On capture quelques images. Normal. Ça sera sans doute le seul souvenir après l’envol. Ça commence à suffoquer. La chaleur gagne en intensité. Et comme si ça ne suffisait pas, il y a les moustiques qui piquent. Un autre m’a laissé un gros bouton sur la joue droite. Je ne sais pas de quelle nationalité était ce « moustique international » qui a osé me mordre jusqu’ici  à l’aéroport. Aurais-je donc dans les prochains jours un paludisme turc ? Une fièvre marocaine ? Des céphalées chinoises ou des migraines françaises ? Je ne sais pas. Ça ne peut pas continuer ainsi.

Tata (tante) Jojo et tata Edwige sont allées prendre un peu d’air frais en dehors du hall, dans la grande cour, où les voitures personnelles débarquent à tout moment. Je les rejoins. Ça laisse qui ?  Ne vous inquiétez pas pour les bagages. Le grand Kazo, un « loubard » (gros bras) du quartier, veille dessus. Je suis quitté de la maison le ventre vide. Voilà que la famine me torture déjà. Il n’y a pas de coin gastronomique dans les parages. Je me contente de quelques œufs durs vendus par une jeune dame dans les escaliers.

Voilà un monsieur qui veut faire Pipi (urine).

« Mon frère, il n’y a même les toilettes ici ? Je n’ai pas vu de plaque qui l’indique hein »,

lui répond son interlocuteur. Il faut seulement supporter. C’est le pays. J’allais oublier qu’il faut changer le C. Fa. Les gars du change sont éparpillés un peu partout dans le hall de l’aéroport. Ne me demandez pas si c’est légal. Le dollar coûte 510 F. Cfa ce soir. On n’a pas le choix.

Microphone en panne

On continue d’attendre. Mais on attend même quoi ? On attend que la dame à la belle voix parle dans le grand microphone. C’est alors que j’apprends que le microphone ne fonctionne plus depuis des lustres. « Il faut seulement être attentif pour savoir quand l’enregistrement a commencé », indique un habitué des lieux. Le message est passé. J’ai le regard fixé vers l’entrée de la salle d’enregistrement.

Une bagarre vient de se déclencher. Après cinq minutes, les policiers interviennent. Le jeune homme très agité veut résister. Il lance quelques invectives aux hommes en tenue.  Il est embarqué manu militari vers le poste. On apprend par derrière, que le jeune homme embarqué se disputait avec sa sœur. Celui-là même blague où comme ça. En tout cas, il va aller se justifier là bas en haut avec les chefs.

Perché sur un bloc de bêton dans le hall, un jeune homme, la vingtaine, dort à poings fermés. Qui est t-il ? Que fais t-il là ? Est-ce que c’est mon problème ? Je regarde seulement l’horloge. Je fixe l’entrée de la salle d’enregistrement. Le vol est prévu à 01h55 pour la Turquie. Le hall se vide considérablement. Il est 23h40. Enfin ! Il y a du mouvement. L’enregistrement a commencé.

« Les gars du Phytosanitaire là dérangent souvent »,

prévient Dolifranc, un ami. Il prodige quelques techniques pour calmer leurs ardeurs. Ça va marcher, rassure t-il.

Les adieux

Après l’enregistrement, il y a encore quelques minutes avant l’embarquement. Il faut dire un ultime au revoir. On embrase les amis, Olivier, tata Jojo, tata Edwige. Ils sont si contents. Le visage de la « princesse charmante » (la copine) se referme. La belle n’affiche pas un seul brin de sourire. Son regard se perd progressivement dans le décor. Elle est la dernière à recevoir les câlins. Elle s’efforce à sourire. Sans succès. Elle ne dit aucun mot. Le prince charmant qui s’envolera dans les airs, la rassure.

« Tu pleures pourquoi (…) il n’y a rien»,

lance Alain J., en souriant.

Il nous fait ensuite un grand signe de la main et s’éloigne. Vous l’avez bien compris. Ce n’est pas moi qui voyageais pour Mbeng. J’accompagnais juste un ami. Et je voulais partager avec vous la terrible nuit passée à l’aéroport international de Douala ce jour-là. Commentez ou partagez le lien de l’article si vous avez aimé.

Mathias Mouendé Ngamo