Religion: Les femmes reléguées au second plan dans les églises et mosquées au Cameroun
- 13 mai 2021
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Bien qu’affranchies dans certaines églises protestantes, les femmes tardent encore à occuper les fonctions de prêtre de pasteur et d’Imam à l’église Catholique et dans les mosquées.
Sur les 143 fidèles présents au premier culte d’adulte qui s’est tenu dimanche 5 juillet 2020 à la paroisse de Besseke, 105 étaient des femmes. La tendance était similaire au deuxième et troisième culte dans cette chapelle de L’Église évangélique du Cameroun (Eec) située à Bonaberi, dans l’arrondissement de Douala 4e. Les femmes ont afflué dans le temple, ceci malgré la présence du Covid-19. Et même avant la pandémie, et depuis des décennies, les femmes ont toujours bravé les intempéries pour se rendre à l’église, afin de garder une place dans la maison de Dieu.
Une place qui, dans certaines religions, est aussi bien recadrée que limitée. Généralement on la voit chanter dans les chorales et participer aux activités paroissiales. Mais elle est moins occupée ou interdite à exercer certaines fonctions comme celle de prêtre ou de pasteur dans les communautés catholiques et protestantes, et d’Imam dans la communauté musulmane.
La volonté du Christ
A l’Eglise Catholique, bien que la femme soit considérée comme un maillon important de la longue chaine des disciples de Jésus, celle-ci ne saurait aspirer à certaines fonctions de direction qui requièrent l’ordination sacerdotale. Concrètement, elle ne peut pas servir comme ministre ordonné ; c’est-à-dire qu’elle ne peut être ni prêtre ni évêque. Selon Monseigneur (Mgr) Paul Nyaga, curé de la paroisse Saint Paul de Nylon, il s’agit de la volonté du Seigneur Jésus Christ qui a choisi douze hommes et leur a conféré le ministère sacerdotal.
« Ces premiers hommes que Jésus a appelés apôtres étaient toujours en compagnie avec sa Mère Marie. Or, eux seuls ont reçu le sacrement de l’Ordre en tant que premiers Evêques de l’Eglise Catholique. S’il avait voulu les femmes comme prêtresses, c’est que Marie sa mère l’aurait été, parce que de tous les appelés de son Fils Jésus, elle était la première », informe-t-il avant d’ajouter : « l’Église, en choisissant de ne pas ordonner les femmes prêtres ou évêques, ne fait pas de discrimination ; elle est fidèle à la volonté de son Seigneur ».
Les missions de la femme à l’Église catholique
Cette situation, toutefois, met à mal certaines femmes de l’Église catholique qui, depuis la tendre enfance ont caressé le vœu de devenir prêtre un jour. « Aujourd’hui je sais que ce n’est pas possible dans mon église qu’une femme prêche devant l’assemblée. Mais lorsque j’étais plus jeune, je souhaitais tellement devenir berger. Enseigner la parole de Dieu comme je voyais le curé à l’époque le faire », se souvient Irène Tonga, fidèle à la paroisse Saint-Louis de Bonaberi.
A ce propos, Mgr Paul Nyaga précise que la femme peut prêcher la Parole de Dieu en dehors de l’homélie, réservée aux seuls ministres ordonnés. Toutefois, en tant que baptisée, la femme peut participer aux différentes charges de l’Eglise dont : l’enseignement, si elle y a été dûment préparée et en a reçu la mission canonique de l’autorité compétente. La sanctification, elle peut administrer le sacrement de baptême en cas d’extrême urgence (mort imminente). Elle peut être ministre extraordinaire de l’Eucharistie et témoin qualifié du mariage avec mandat spécial dans des circonstances précises prescrites par la loi.
Le gouvernement, elle peut occuper des postes de responsabilité comme juge dans les tribunaux ecclésiastiques diocésains ou inter-diocésains. « Dieu m’a béni parce que dans les différentes paroisses où j’ai eu à exercer le ministère, j’ai travaillé avec des femmes très engagées dans la foi et compétentes dans la direction des affaires », se réjouit Mgr Paul Nyaga. « De nos jours nous avons des femmes dans des haut-lieux de responsabilité depuis le Vatican jusqu’aux dernières de nos paroisses », fait-il savoir.
Le refus de la mixité par l’Islam
Cette autre religion (l’islam) a des visions similaires à l’église catholique concernant les fonctions de la femme dans la religion. Ici, la femme ne peut être Imam ou encore diriger la prière devant les hommes. « L’équilibre entre l’homme et la femme commence à la création du monde avec Adam et ensuite Eve créée à partir de la côte d’Adam. Ils ne sont pas différents l’un de l’autre. Sauf que dans l’islam, on tient compte de la nature, du cadre de travail et de l’environnement dans lequel on se trouve. L’islam n’admet pas la mixité. C’est-à-dire là où on trouve l’homme, on trouve aussi la femme. Non ! Ce mélange est interdit. Raison pour laquelle la femme ne peut pas être imam devant les hommes », informe Cheick Mohamad Malik Farouk, Grand Imam central de la ville de Douala.
« Chez le musulman, la femme est comme une reine qui doit toujours être au petit soin. Elle est faite pour tranquilliser son mari. C’est pourquoi dans un pays véritablement islamique, la femme ne travaille que si elle est dans un cadre familial et bien entourée. Par conséquent elle se doit d’être loin de l’homme afin d’éviter la tentation qui conduit au pêché. C’est ça la pure religion », ajoute-il.
Toutefois, celle-ci peut enseigner, apprend-on. « Si les femmes veulent enseigner, cela doit se faire entre-elles. Elles peuvent aussi apprendre les enfants dont l’âge varient entre 2 et 15 ans et les vieillards de 85 ans », informe le Grand Imam central de Douala. C’est d’ailleurs ce que fait Aicha Adama, riveraine au lieu dit Ndobo dans l’arrondissent de Douala 4e.
« J’aime ce que je fais. En apprenant aux enfants, cela me permet de m’édifier d’avantage et entretenir ma relation avec Allah »,
renseigne la trentenaire.
De même, les femmes peuvent diriger les prières et faire l’Imama mais seulement entre elles. « Même chez les femmes, celle qui dirige la prière ne se place pas devant les autres comme ça se fait chez les hommes. Elle se met de côté », révèle le Grand Iman. Ce dernier précise d’ailleurs qu’on ne retrouve cette catégorie de femme le plus souvent que dans le septentrion.
Les Églises protestantes
Plusieurs de ces Églises née de la reforme du 16 siècle à l’Église catholique Romaine, ont gardé certaines pratiques dont celles de la non consécration des femmes au ministre pastoral. C’est le cas de l’Église presbytérienne camerounaise (Epc), où le refus de la femme à exercer cette fonction tire ses ficelles entre autres des considérations traditionnelles.
« Notre considération de la femme ne pose à mon sens aucun problème à l’Évangile »,
informe le pasteur Hélès Kobi.
« L’Epc consacre les femmes de son bon gré. Nous n’avons aucuns soucis. Mais que notre Eglise le fasse pour souscrire aux pressions des occidentaux qui veulent nous imposer de consacrer les femmes et les mariages homosexuels, nous disons non », ajoute-il.
Reste que la situation de la femme pourrait changer puisque les dirigeants sont en pourparler. « Aujourd’hui, notre Église dans le souci de s’ouvrir au concept de village planétaire, est entrain d’envisager la consécration d’une femme et éventuellement de plusieurs autres au Saint Ministère », renseigne le pasteur Hélès Kobi.
La femme pasteur à l’Église évangélique du Cameroun
Si à l’Epc ce sujet autour de la table suscite encore plusieurs polémiques, à l’Église évangélique du Cameroun (Eec) par contre, les femmes assument déjà cette responsabilité. Ceci au même titre que les hommes avec tout ce que cela inclus. En fait c’est en 1999, dans la paroisse de la Briqueterie à Yaoundé, que l’Eec consacre ses premières femmes pasteurs. Selon le Révérend (Rev) Docteur (Dr) Claude Nde, cette consécration survient après la reconnaissance du ministère des femmes pasteurs à l’Eec en 1990. Après quoi, elles ont été admises à la faculté protestante de théologie de Yaoundé en 1992.
« Avant qu’on ne reconnaisse ce ministère à l’Eec, on avait déjà des femmes, dont des missionnaires très engagées qui enseignaient la parole de Dieu. C’est en les voyant faire et en sondant les saintes écritures qu’on a compris qu’on ne devrait pas les mettre à l’écart », informe le Rév Dr Claude Nde, missiologue et responsable national de l’évangélisation à l’Eec.
« Les femmes ont toujours été présentes et à l’œuvre dans la Bible. Tenons par exemple Myriam, la sœur de Moïse dans le livre d’exode. Dans le nouveau testament Mathieu 28, avec Marie de Magdala. Et pour finir, le texte de Galate 3 : 27-29, qui fait savoir (de façon paraphrasée), qu’en Christ, il n’y a ni hommes ni femmes », ajoute-il.
Aujourd’hui à l’Eec, l’on compte une cinquantaine de femmes consacrées pasteurs et proposantes à ce poste. La ville de Douala en regorge une dizaine. Mais selon des sources, ce chiffre est inférieur à celui des femmes qui exercent cette vocation dans l’Église Anglicane.
Tatiana Kuessie