Des habitants de cette localité située dans le département du Mbam-et-Inoubou (région du Centre au Cameroun) ont organisé deux jours de deuil en sa mémoire.

A mille lieux de la Jamaïque, quelque part en Afrique, dans une localité située dans le département du Mbam-et-Inoubou (région du Centre du Cameroun), du reggae résonne. Nous sommes à Makénéné et on a reconnu les paroles de la chanson « Redemption Song» de la légende Bob Marley, de regrettée mémoire. Ce 45 tours est la dernière plage du dernier album de Bob Marley avec les Wailers. Au moment où l’artiste écrit cette chanson de 3,51 minutes en 1980, il est diagnostiqué d’un cancer qui l’emportera dans l’au-delà une année plus tard. Aujourd’hui encore, de nombreux mélomanes pleurent sa disparition dans le monde entier.

Après « Redemption Song », place à un autre tube à succès de Bob Marley : «No Woman No Cry». Puis, « Buffalo Soldier». Il y a comme de la nostalgie et de la mélancolie dans l’air. Assis sur des bancs disposés dans la grande cour de la concession de la famille Emalé, les habitants de Makénéné sont enveloppés par le flow de la musique. La tristesse se lit sur les visages. Quelques gouttes de larmes sont écrasées.

Mais bientôt, l’ambiance devient plus relevée avec les chansons «Jammin» et « One Love ». Le rythme monte d’un cran. Les uns et les autres se lèvent pour esquisser des pas de danse à la mémoire de Bob Marley. Ils ont formé un cercle qui s’agrandit au fur et à mesure que les minutes s’égrainent.

Malgré la coupure de lumière ce soir, (délestage qui durera près de sept semaines dans une partie de cette localité), les populations ont pris des dispositions particulières pour honorer la mémoire de Bob. Ils se sont procurés un groupe électrogène sur lequel ils ont connecté les appareils de sonorisation. Le Disc Joker (Dj) de circonstance a rassemblé une vingtaine de disques de Bob Marley, Alpha Blondy et Jimmy Cliff sur une petite table. De quoi tenir toute la nuit. Le générateur alimente aussi quelques ampoules qui éclairent les lieux, tant bien que mal.

Bob Marley très connu à Makénéné

Des habitants de Makénéné aux obsèques de Bob Marley
Des habitants de Makénéné aux obsèques de Bob Marley

Le répertoire musical de toute la veillée est essentiellement fait de reggae, mais surtout de Bob Marley. Ici à Makénéné visiblement, tout le monde connaissait Bob Marley à en juger par l’affluence et les traits de tristesse qui se dessinent sur les visages. De temps à autre, des sanglots rompent l’harmonie de la musique. D’autres riverains ont pris place dans des débits de boissons au lieu-dit « Carrefour Est », juste en face, pour noyer leur chagrin dans des bouteilles de bière non glacées. (Vous avez lu plus haut : Eneo, l’entreprise en charge de la distribution de l’énergie électrique, est passée par là).

Le lendemain samedi, l’émotion est plus forte encore. Le programme de la journée s’ouvre par des témoignages.

«C’est après sa mort que j’ai su qui était réellement Bob Marley. Il était un philosophe, un littéraire, un académicien. Il avait sa philosophie de vie. Il était difficile de lui faire changer d’avis »,

témoigne Bernard.

Ses amis hochent la tête de haut en bas comme pour acquiescer. Dans la suite des témoignages, souvent interrompus de pleurs, on apprendra que Bob Marley était bien connu à Makénéné. Tout le monde se rappelle de son amour pour le reggae. On apprendra aussi, des témoignages, que Bob, le rastafari, avait servi dans l’église pendant quelques années, avant d’abandonner la charge.

« Il avait dit qu’il connaissait déjà tout de la bible. Que l’église ne pouvait plus rien lui apprendre. Il avait ses défauts et ses qualités. Mais qui sommes nous pour le juger ? »,

s’est interrogé l’homme d’église appelé pour dire un culte.

Le célébrant du jour a en outre recommandé au très haut de recevoir l’âme de Bob Marley et de pardonner ses péchés.

Une dernière danse pour Bob Marley

Le Disc Joker a ensuite balancé une dernière chanson pour honorer encore la mémoire de Bob Marley. Les riverains ont levé les genoux hauts. Ils ont dansé en formant un cercle autour du cercueil qui devait ensuite prendre la direction du tombeau.

Le petit cortège mis en place s’est ébranlé vers le cimetière de circonstance. Le reggae a laissé place aux chants religieux. Bob Marley sera inhumé sur une parcelle de terrain qu’il avait acquis à Makénéné de son vivant, il y a des années. Eh oui ! Si je n’avais pas été présent à ces cérémonies, je n’aurai pas cru à tout cela. Oui ! Bob comptait bien dans le cœur de nombreux habitants de Makénéné. Avant sa mort, il a d’ailleurs fait du « Bendskin » (transport par moto) dans cette localité, apprend-on. Il s’était aussi lancé dans l’agriculture. Il entretenait une grande superficie de cacao.

Bob Marley nous a malheureusement quittés dimanche 01er avril (un dimanche de pâques) après une longue maladie. Ses proches auraient pu penser à un poisson d’avril. Mais la réalité était bien là. Bob Marley a été inhumé une semaine plus tard (samedi 07 avril 2018) à Makénéné, comme il l’avait souhaité.

Dans son acte de naissance, c’était bien écrit «Pangop Emalé Cyprien ». Mais à Makénéné, les habitants et même des membres de sa famille utilisaient très rarement ce nom. Ils avaient tous adopté l’appellation « Bob Marley», que le défunt avait lui-même revêtît fièrement depuis des années. Il n’y avait qu’à voir le programme des obsèques. Le nom « Bob Marley » était plus en exergue que son patronyme. Et des photos de la Star jamaïcaine entouraient la photo de Cyprien. Il l’aurait aimé voir ça ainsi.

Pangop Emalé Cyprien dit Bob Marley
Pangop Emalé Cyprien dit Bob Marley

En ce jour de commémoration du décès de l’artiste jamaïcain, une pensée pieuse pour mon oncle décédé à Makénéné en avril 2018. Va et Repose en Paix tonton «Bob Marley».

Mathias Mouendé Ngamo, à Makénéné