Interview. Le président de l’Association des producteurs privés de télévisions africaines (Appta) analyse le contenu diffusé dans les chaines du continent noir.   Pourquoi avoir mis sur pied une Journée de la télévision africaine ? La Journée africaine de la télévision (Jta) est un concept que nous avons mis en place il y a trois ans avec le directeur de Canal France international (Cfi). On s’est dit qu’il fallait penser à une journée dédiée à l’Afrique et à ses télévisions. Nous avons profité de l’édition du Fespaco à Ouagadougou en 2011 pour faire la première édition de la Jta. Nous avons fait 9 heures de diffusion en direct avec plusieurs chaines de télévision, dont un noyau dur composé de Golfe Tv du Benin, Canal 3 du Burkina Faso, Stv 2 du Cameroun, Rtt télé du Niger, DrTv du Congo Brazzaville. Le concept de base de la Jta est de montrer qu’il faut que nous fédérions les efforts des télévisions africaines. Que nous pouvions, en face de cette invasion d’images qu’il y a sur nos antennes, avoir un véritable concept panafricain adressé à nos publics cibles avec des contenus qui nous sont propres. Lors de cette deuxième Jta à Douala, le thème a été basé sur la jeunesse. C’était une thématique globale, entrecoupée de débats avec des personnalités diverses qui sont venues sur le plateau. C’est une expérience unique au monde. Il n’existe pas d’expérience analogue de chaine qui mettent 8 heures de programme en commun en direct sur autant de territoires. Vous annonciez pendant cette Jta qu’il faut que les télévisions africaines passent de l’analogie au numérique… C’est une recommandation de l’Union internationale des télécommunications. En 2015, le monde entier passe au numérique. Cela signifie concrètement que certains outils que nous utilisons seront obsolètes. Le numérique permet effectivement d’arriver à un changement d’équipement. Mais au-delà du changement d’équipement, le numérique offre de nouveaux boulevards. Je crois que c’est une opportunité qui nous est offerte. Mais il ne faut pas que nous ouvrions cette opportunité pour nous faire envahir davantage. Il faut que l’Afrique crée des chaines thématiques et ait une offre diversifiée. Je crois que le numérique est une chance plutôt qu’une menace, à condition que nous soyons des pourvoyeurs de contenus. Je n’ai aucune raison de douter que les Africains aujourd’hui ont la capacité de relever ce défi. Quelle analyse faites-vous du contenu des programmes des télévisions africaines ?  De manière générale nous sommes très tributaires de l’offre internationale. C’est comme si c’était des chaines clonées. Les techniques de programmation sont les mêmes. Nous diffusons les télénovelas aux mêmes heures. Est-ce que cela correspond à la sociologie africaine, au mode de travail des Africains, au calendrier tant biologique que temporel du professionnel ? Je pense qu’il doit y avoir une remise en cause. Il faut être un peu plus audacieux, oser un peu et faire de la contre programmation. Il faut évoluer vers davantage de production de qualité qui répondent à nos besoins et il faut des mesures d’accompagnement. La question de financement constitue un frein. Il faudrait imaginer des fonds de soutien à la communication de manière globale, avec des sous-fonds pour la production, pour la formation de tous ceux qui font partie de la chaine. Les Européens l’ont fait, les Américains le font. Il n’y a aucune raison que l’Afrique ne le fasse pas. Le monde actuel est un monde où la domination ne se fera plus par les guerres ou par l’économie, mais de manière plus insidieuse elle se fera au niveau culturel, au niveau psychologique, sur la capacité d’influencer sur les comportements, les reflexes d’achat. Cela se fait également par la télévision. Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo