Depuis le 13 décembre 2013, les concitoyens en détresse sont transportés à bord d’avions affrétés par le chef de l’Etat. Certains centrafricains quand à eux se déplacent vers Douala par route, pour y trouver refuge.

Les Camerounais et les autres citoyens résidant en République Centrafricaine (Rca) y vivent depuis quelques mois avec la peur dans le ventre. La crise qui sévit dans ce pays voisin a déjà fait plusieurs morts, des blessés graves et des déplacés. Des habitants fuient les violences, en empruntant divers trajets. La voie routière est la plus sollicitée. Certains de ces « rescapés », des Centrafricains notamment, ont trouvé refuge au Cameroun. Ils sont encadrés par le Haut commissariat des Nations unis pour les réfugiés (Hcr).

Mamadou Dillo est l’un de ces refugiés. Il est arrivé à Douala le 27 décembre 2013. Le Centrafricain âgé de 31 ans a dû abandonner son fils amputé du pied gauche. Il indique qu’il a supplié un des camionneurs camerounais à Bangui, qui a accepté de le transporter jusqu’à la frontière, à l’Est du Cameroun. Mamadou Dillo y a rencontré des proches. Ils ont rallié ensemble la ville de Douala.

Les citoyens camerounais pris dans la crise en Rca ont une issue un peu plus favorable pour échapper aux heurts. Un pont aérien Douala-Bangui-Douala a été lancé sur instruction du chef de l’Etat camerounais au début du mois de décembre 2013. Des avions de la compagnie nationale de transport aérien, Cameroon Airlines Coorporation (Camair-Co), et ceux de l’armée ont été affrétés pour ramener au terroir tous les citoyens camerounais en situation de détresse et désireux de retourner au pays. Les passagers sont transportés à bord des Boeing 737 et 767, et de la Cameroon Air Force MA 60.

A chaque débarquement à l’aéroport international de Douala, les passagers affichent un petit sourire aux lèvres. Il y en a qui entonnent l’hymne national du Cameroun. Certains lèvent les mains vers le ciel, comme pour remercier le tout-puissant. D’autres, plus discret, égrainent le chapelet en murmurant quelques versets bibliques ou coraniques. Ils confient qu’ils ont « tout perdu », « tout abandonné» en République centrafricaine. Certains y vivent depuis plusieurs années et y ont développé des activités génératrices de revenus.

3790 rapatriés

Les passagers sont accueillis au bas de la passerelle par une forte délégation administrative, avec à la tête Joseph Beti Assomo, le gouverneur de la région du Littoral. Quelques proches des passagers sont là. Les agents du service de santé sont également mobilisés à l’aéroport. Les passagers sont identifiés. Ils indiquent où ils proviennent, s’ils ont une famille d’accueil au pays, qui contacter. Ils indiquent aussi dans quelle ville ils aimeraient s’y rendre. Et passent le contrôle sanitaire. Des dispositions sont prises par la suite, pour conduire les uns et les autres vers la destination indiquée. En trois semaines de rotation, le pont Douala-Bangui-Douala a permis le rapatriement d’environ 3790 Camerounais, selon la mise au point de Joseph Beti Assomo, le gouverneur de la région du Littoral.

Une délégation de 91 Camerounais en provenance de Rca a débarqué à Douala vendredi 03 janvier 2014. Les passagers à bord du Cameroon Air Force MA 60 étaient constitués d’hommes, de femmes et d’enfants. Les 24 et 25 décembre 2013, 751 autres Camerounais ont débarqué à l’aéroport international de Douala. Une délégation de 178 autres camerounais a foulé le sol de Douala le 16 décembre 2013. Ils ont été rejoints par 202 concitoyens le lendemain, 17 décembre. Les premiers bénéficiaires du pont aérien, 516 personnes, avaient débarqué à Douala les 13 et 14 décembre 2013, à bord des Boeings 767 et 737 de la compagnie de transport aérien Camair-Co.

Pendant le contrôle sanitaire le 13 décembre 2013, une passagère enceinte est entrée en phase de travail. Elle a été transportée d’urgence dans une formation hospitalière. Les services de santé ont en outre détecté trois cas de diarrhée ce jour-là. Plusieurs cas de maux de tête ont été signalés. Les passagers concernés ont reçu des cachets à l’aéroport. Aucun cas grave de santé n’a cependant été signalé.   Les Camerounais « rapatriés » de Centrafrique sont initialement regroupés à la Résidence du Cameroun à Bangui où ils attendaient l’arrivée de l’avion pour l’embarquement en direction de Douala.

Les concitoyens en détresse y reçoivent une aide alimentaire expédiée à bord des aéronefs de Camair-Co, des vivres frais, de l’eau minérale et des médicaments, notamment, a–t-on appris. Le pont aérien est en stand-by depuis quelques jours.

Mathias Mouendé Ngamo

Salomon Kamga : “Je reviens de Bangui”

Résidant en République centrafricaine depuis 2012, le jeune étudiant camerounais raconte son calvaire.

Salomon Kamga a retrouvé un peu de gaité depuis quelques jours. Ce jeune étudiant de 22 ans fait partie des ressortissants camerounais rapatriés de la République centrafricaine (Rca) à travers le pont aérien décidé par le chef de l’Etat le 13 décembre 2013. Il a débarqué à l’aéroport international de Douala il y a deux semaines, à bord d’un des avions de Cameroon Airlines Coorporation (Camair-co), affrété pour secourir tous les Camerounais en détresse en Rca. Avant son retour au terroir, Salomon Kamga habitait au quartier Benzvi à Bangui, où il vivait seul depuis 2012. Il a tout abandonné.

« J’ai pris juste mes papiers importants. Toutes mes affaires et ma valise sont encore en République centrafricaine», indique le jeune homme.

“Les bruits des roquettes…”

Il réside depuis lors chez son frère ainé au quartier Bépanda à Douala, et dit s’y sentir en paix et en sécurité.   Salomon Kamga qualifie d’ «invivable », la situation qui prévaut en Rca. Un pays où, explique t-il, les pillages, les viols et les meurtres sont récurrents depuis le début des affrontements entre rebelles centrafricains. « On ne pouvait pas mettre le nez dehors à n’importe quel moment. Au début de la crise, ça circulait un peu dans les rues. Après tout s’est embrasé. Les bruits des roquettes se faisaient entendre à tout moment. Tout était fermé. On restait enfermés », déplore le jeune homme. Il raconte que pendant les manifestations, des gaz lacrymogènes étaient pulvérisés dans l’enceinte de  l’université.

Les Camerounais résidant en Rca ont reçu des Sms leur indiquant des zones refuge, pour ceux désirant retourner au pays. Salomon Kamga indique qu’il a saisi cette occasion pour « fuir la guerre ». Il a passé une nuit à la Résidence du Cameroun à Bangui et a été embarqué le lendemain. Il ne cesse de prendre des nouvelles chez des étudiants restés en République centrafricaine. Il affirme qu’il retournera poursuivre ses études là-bas, lorsque le climat social sera apaisé.

 Mathias Mouendé Ngamo