Crime passionnel. Romuald Edimo et Françoise Moukalla Motassi s’aimaient, un peu trop peut-être. Une histoire d’amour qui se termine en tragédie au quartier Mbanguè à Douala.      En attendant que les enquêteurs de la brigade de recherche 2 de Douala rendent leur rapport, le scénario qui s’est déroulé au quartier « Mbanguè-plateau » à Douala le mercredi 18 avril 2012 peut se résumer à peu prêt à ceci.  Romuald Edimo, 48 ans, se dispute dans la chambre avec sa femme, Françoise Moukalla Motassi âgée de 43 ans. Il lui plante un poignard dans la gorge. Françoise succombe au coup. Romuald allonge sa victime sur le lit, dans le sens de la largeur. La tête pend à une des extrémités de la couchette. Le sang macule le sol non lissé. Romuald Edimo ingurgite ensuite le 1/3 d’une bouteille de whisky. Ivre, il s’allonge lui aussi sur le lit, dans le sens de la longueur. Les pieds foulent le sol. Il prend la peine au préalable de graver quelques messages un peu partout dans la chambre, à l’aide d’un marqueur de couleur rouge. Au chevet du lit il y inscrit « Y a un temps pour tout, vive l’amour ! ». La penderie affiche « Vanité, vanité, tout est vanité ». Quatre plats disposés sur une table près de la bouteille de whisky sont aussi marqués au verso. On peut lire : « A qui la faute ? », « ça c’est l’épreuve d’amour entre Françoise et Romuald », « la tante de l’enfant habite à Bessenguè en face entrée de la gare ». Ce dernier message fait référence à un petit garçon âgé d’environ 10 ans qui vivait avec le couple. Au moment des faits, l’enfant est à l’école. Il a quitté la maison autour de 12 heures.   Moussima, une sœur de Romuald, arrive la première sur les lieux autour de 17 heures. Elle trouve le salon ouvert. La porte de la chambre est bloquée de l’intérieur avec des cantines. A travers une ouverture, Moussima distingue les deux conjoints allongés sur le lit conjugal. Elle crie à l’aide. Les voisins accourent. Romuald Edimo est transporté de toute urgence à l’hôpital de district de Deïdo. Il meurt en chemin. Son corps est déposé à la morgue de la formation hospitalière. La dépouille de Françoise y est admise à 22h26 minutes. La brigade territoriale d’Akwa-Nord descend sur les lieux du crime pour effectuer le constat. L’enquête revient ensuite à la brigade de recherche 2 de Douala. Les plats marqués y sont consignés. Lieu du crime modifié Comment Moussima a-t-elle été informée de la situation à Mbanguè-plateau? Lors de son audition, selon une source proche de l’enquête, Moussima déclare avoir été alertée par une autre sœur résidant au quartier Bonapriso. Cette dernière lui aurait demandé d’aller voir ce qui se passe à Mbanguè-plateau, parce qu’aucun numéro du couple ne sonne. La famille de Françoise redescend sur les lieux le vendredi 20 avril 2012. Le téléphone de leur fille sonne encore disponible à cette date là, mais le mobile n’est pas repéré dans la chambre. La famille se rend ainsi une fois de plus sur ce site, à l’effet de retrouver l’appareil électronique en question. « Nous voulons voir les derniers appels que notre fille a passés», relève t-elle. La fouille s’avère infructueuse. Où est donc passé le téléphone de Françoise ? Où se trouve celui de Romuald ? Le listing des deux téléphones ne pourrait-il pas apporter des éléments nécessaires à la reconstitution des faits ? L’enquête piétine un peu à la gendarmerie. Pour cause, « le lieu du crime a été modifié. Après la découverte macabre, les gens sont entrés dans la chambre et ont touché à des objets n’importe comment. On aurait même pu exploiter le marqueur utilisé pour les inscriptions dans la chambre et relever les empruntes », déplore une source à la gendarmerie. Des interrogations persistent. Qu’est ce qui a poussé Romuald à un tel acte ? Souffrait-il de quelque problème mental ? Une facture d’hôpital au nom de Romuald Edimo, datée du 24 mars 2012 est retrouvée sur une table au domicile du couple. Arrêtée la  somme de 40 000 F. Cfa, elle porte en objet « scanner cérébral ». Ne nous lançons pas dans des suppositions et interrogeons plutôt les proches et le voisinage des disparus. Pour les habitants de Mbanguè-plateau, Romuald et Françoise n’étaient pas trop sociables. « Françoise n’était l’amie de personne ici au quartier. Son mari était plutôt cool. Il n’était pas un saoulard à ce que je sache », indique un habitant du quartier. On relève dans le coin que Françoise avait récemment eu un accrochage avec une voisine. Cette dernière est absente aux deux passages du reporter, pour en témoigner. Quelques indiscrétions font aussi état d’un climat délétère entre Françoise et sa belle famille. Foyer idéal Le tableau du couple peint par la famille de Françoise et quelques autres proches est plutôt très « esthétique ». L’image qui ressort est celle d’un foyer idéal. « Ils s’aimaient tellement. Ils étaient toujours ensemble. Ils rendaient des visites à la maison. Romuald allait chercher Françoise à la fin de ses réunions. Ils participaient aux réunions familiales, allaient à l’église (protestante) ensemble tous les dimanches. Ils avaient quelques fois de petits problèmes, mais c’était vite réglé », se souvient Bebey Motassi, un frère de Françoise.  « Nous ne connaissons pas le mobile qui puisse avoir conduire à un tel acte. C’était un couple vivant. Ils s’aimaient d’un amour à la Roméo et Juliette », témoigne Eugène Motassi, un autre frère de Françoise. Avant la rencontre entre Roméo et Juliette vers 2005 au quartier Deïdo à Douala, Françoise habite dans la concession familiale sise à Deïdo-Bonatéki, au lieu-dit « Carrefour Eyenguè ». Elle a arrêté ses études en 4ème année Industrie d’habillement (Ih) et a des aptitudes en couture. A la venue de son prince charmant, elle met sa chambre en location et le rejoint. Ils vont vivre au quartier Mbanguè, après Bonamoussadi dans l’arrondissement de Douala 5ème. Ils y passent les premières années en location, puis s’achètent un lopin de terre et construisent une petite baraque en matériaux provisoires. Le domicile est divisé en deux pièces. Un salon et une chambre qui sert également de cuisine. Une centaine de parpaing est disposée dans la cour de la baraque. « Romuald et Françoise avaient pour projet de bâtir en dur. D’autres parpaings devaient être ajoutés au tas déjà en place », confie un maçon qui a participé au devis. Mariage discret Les deux tourtereaux se marient en catimini. Dans la famille de la femme, on assure n’avoir jamais été consulté pour un tel projet. « On n’est jamais venu nous voir pour parler de dot. Nous avons juste vu l’alliance sur le doigt de notre fille », précise un membre de la famille de Françoise. Les deux personnes qui se mettent ainsi ensemble se présentent avec des caractères différents. Romuald est un homme très calme. Il parle peu. Il exerce comme technicien. Il perd son emploi et continue à gagner sa vie grâce aux petits jobs qui s’offrent à lui. Françoise quand à elle est une femme vaillante, « du genre qui ne se laisse pas faire ». Elle a une jumelle. Les relations sont un peu tendues avec cette dernière. Françoise gagne sa vie en travaillant comme couturière.   Les deux amoureux toujours en position « ton pied-mon pied » sont comme liés par un passé commun. Avant leur rencontre, ils ont chacun perdu un être cher. Romuald Edimo, indique t-on, a perdu sa fiancée, morte quelques jours seulement avant la date arrêtée pour le mariage. Françoise quant à elle venait d’essuyer les larmes de la disparition de son premier enfant, décédé à l’âge de 4 ans. Quand Romuald Edimo et Françoise Moukalla Motassi se mettent donc ensemble quelques temps après, c’est une nouvelle plante qui pousse du pourrissement d’anciennes graines. L’amour fleurit, mais s’achève sur une tragédie au quartier Mbanguè-Plateau à Douala. Le mari égorge sa femme et se suicide… Mathias Mouendé Ngamo