La police a tiré des coups de feu en l’air jeudi 18 novembre 2021 pour disperser la foule en furie suite au décès de Bertin Nzimo (37 ans) quelques heures après sa garde à vue au commissariat du 9ème arrondissement.

Il est presque 10 h ce jeudi 18 novembre 2021. L’esplanade du commissariat de sécurité publique du 9ème arrondissement de la ville de Douala, au quartier Deïdo, est envahi par une foule inhabituelle. Au milieu de cette marée humaine, les trois épouses de Bertin Nzimo, mort dans des circonstances troubles après son interpellation, sont assises à même le sol. Au bout d’un moment, l’une des veuves a du mal à respirer. Les personnes autour d’elle tentent de la ventiler avec des morceaux de tissu. Puis, elle est transportée d’urgence à l’hôpital de district de Deïdo situé tout près. Le frère jumeau du défunt lui aussi présent sur les lieux est inconsolable. Quelques instants après, c’est à son tour de suffoquer.

L’atmosphère est ainsi tendue suite au décès tragique jeudi autour de 4 h, du sieur Bertin Nzimo âgé de 37 ans. La foule en furie clame que l’homme est passé de vie à trépas à la suite de tortures qu’il aurait subi lors de sa détention au commissariat. Pour manifester leur ras-le-bol, la dépouille de Bertin Nzimo est déposée devant cette unité de police indexée. Elle mobilise du monde. Les éléments du 9ème arrondissement appuyés par le Groupement mobile d’intervention (Gmi n°2) et la police anti-émeutes en viennent à tirer des balles en l’air et font usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule. Mais ces démonstrations des forces de maintien de l’ordre ne dissuadent pas la population qui réclame justice et projette de bruler le commissariat de sécurité publique du 9ème arrondissement.

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Aux sources du problème

Pour comprendre ce mouvement d’humeur, il faut remonter à la source d’une histoire débutée deux jours plus tôt. Bertin Nzimo, la victime, réside au quartier Bonabéri dans le 4ème arrondissement de Douala. Le jeune commerçant des pièces détachées de véhicules sollicite un espace dans la cour de dame Justine Bobda, qui est la bailleresse d’une mini-cité  au quartier Bépanda, lieu-dit Carrefour Pasteur. Il envisage d’y construire un magasin pour stocker ses marchandises. Cette proposition n’est pas du goût d’une Inspectrice de deuxième grade (Ip2) qui officie du côté de l’aéroport. Elle est par ailleurs aussi une des locataires chez dame Justine.

Bertin Nzimo fait appel à un technicien pour la construction de ce local. Au moment où les travaux sont engagés, l’Inspectrice s’y oppose et inflige une gifle à l’ouvrier. Bertin intervient pour défendre son employé. Le technicien en question abandonne les travaux. Le lendemain, mercredi 17 novembre 2021, le sieur Bertin Nzimo reçoit une convocation adressée à son ouvrier. Le commerçant explique qu’il ne connait pas l’adresse exacte de son technicien pour lui remettre ladite convocation.

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Interpellé et torturé

Plus tard en soirée, aux environs de 17 h, alors que Bertin se trouve dans sa boutique avec l’une de ses épouses, l’Inspectrice accompagnée de ses collègues débarquent. Le jeune commerçant est interpellé et conduit au commissariat de sécurité publique du 9ème arrondissement.

« Avant qu’il n’arrive au commissariat, il a été tabassé par les policiers au point où il a eu une blessure à côté d’un œil. Il saignait abondamment »,

raconte l’un des frères du défunt. C’est aux environs de 22 h que Bertin est relâché. Il retourne nuitamment chez lui à Bonabéri. Son état de santé se dégrade pendant la nuit. A 4 h du matin, ce père de 14 enfants est transporté à l’hôpital de district de Bonassama, où il rend l’âme.

Suite à ce malheureux drame, Justine Bobda, la bailleresse a tenu à rappeler à qui voulait l’entendre que son terrain n’est pas la propriété privée d’un locataire.

« Le locataire n’a pas le droit de venir chez moi interdire à un autre locataire de ne pas construire. Ma maison est située non loin de la cité. Il fallait qu’elle vienne me dire qu’elle n’était pas d’accord », a-t-elle clamé.

Elle précise que c’est la deuxième fois que l’inspectrice pose un tel acte. La première fois, elle s’est opposé à un expatrié à cause d’un problème relatif aux toilettes, apprend-on. Lorsque dame Justine a voulu s’y mêler, l’Inspectrice a menacé cette dernière qui a pris du recul.    

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Le sous-préfet pour calmer la foule

Informé du mouvement d’humeur devant le commissariat, Christophe Fofie, le sous-préfet de l’arrondissement de Douala 1er est descendu sur les lieux pour calmer la population en colère. « Nous venons de tenir une séance de travail avec le délégué de la famille endeuillée. Il a été retenu de notre séance de travail qu’une rencontre soit organisée à Bonanjo dans les locaux de monsieur le délégué régional à la sûreté nationale pour que toutes les responsabilités soient établies », a déclaré le chef de terre.

L’autorité administrative était accompagnée du commandant du Groupement mobile intervention (Gmi n°2), du représentant du délégué régional à la sûreté national du Littoral. L’autorité administrative a promis qu’une enquête sera ouverte pour faire la lumière sur cet incident qui a coûté la vie à un individu. Le corps de Bertin Nzimo a été déposé dans une morgue de la place.  

Moustapha Oumarou Djidjioua