Ange Bagnia: “Ça fait 11 ans qu’on ne m’a pas vue surtout en Live”
- 14 novembre 2020
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Après onze années d’absence, l’artiste camerounaise Ange Bagnia signe son Comeback avec l’album Sérénité, à un moment marqué par le Covid-19. En concert à Douala et Yaoundé en novembre et décembre 2020, elle parle des stratégies pour vendre son retour, ses nouvelles casquettes et ses années sombres.
Onze années qu’on ne vous a pas vue sur la scène musicale. Où étiez-vous passée ?
Onze années d’absence, c’est vrai que c’est assez long. Ange Bagnia a voulu rechercher d’autres compétences, fouiller ailleurs que dans la musique pour se redéfinir autrement. Ça passe par des formations multiples en communication et marketing avec des diplômes équivalents. Ça passe par une expertise en coopération décentralisée et en développement durable ainsi que la création des entreprises de Communication, une entreprise de nettoyage industrielle et une Ong qui offre des formations au bénéfice des collectivités territoriales décentralisées (Ctd) à l’international comme au Cameroun, avec une compétence qui s’étend en Afrique. Il y a aussi eu l’organisation des forums économiques au bénéfice des Ctd et ouvert depuis quelques années aux entreprises au Canada et en Afrique. Vous comprendrez pourquoi cette absence. Il fallait que je me concentre suffisamment pour pouvoir m’approprier ces compétences et les faire prévaloir.
Pourquoi ce revirement vers la Communication et les affaires ?
C’est dans ma nature de toujours me lancer des challenges. Ce sont des métiers qui m’ont toujours intéressée. J’ai commencé par la Communication. C’est connu. J’ai fait des études de Communication avant de faire la musique. Ensuite, j’ai voulu ouvrir les bras vers la coopération internationale et la coopération décentralisée. Pour moi, ce sont des challenges. Je suis à mon propre compte. Ça c’est aussi un challenge. Mes albums, c’est moi qui les produit via mon label AB Prod. Je suis la présidente de toutes ces structures que j’ai citées. J’adore toujours aller de l’avant, me challenger.
Avec vos entreprises Créa Agency, AB Prod et Rc3d, vous avez résolument posé un pied ferme dans les affaires. Ça marche mieux que la musique ?
Je dirai que le monde des affaires est coriace. A chaque monde ses difficultés. A chaque type d’activité, ses contraintes. Je dois dire que je suis tombée plus d’une fois. On a vu l’immeuble à Elig-Essono s’écrouler sur moi, où j’ai perdu des véhicules. Ma santé en a pris un coup. Celle de mes employés aussi. J’ai dû délocalisé mon entreprise. Il y a un coup sur le devenir de ma structure. Mais ça n’a pas empêché que je me relève et que j’aille de l’avant. La vie, c’est ça. Autant la musique est un monde impitoyable, celui des affaires l’est aussi. Celui de la coopération décentralisé est un monde ambigu, pas vraiment impitoyable, mais il faut avoir la magnanimité pour pouvoir s’y lancer et s’en sortir.
Vous faites votre Comeback sur la scène musicale à un moment fortement marqué par la pandémie du Covid-19. N’avez-vous pas peur que cela passe inaperçu ?
Non. La preuve, ce n’est pas en train de passer inaperçu. Vous parlez à une experte en communication. Je n’ai même pas eu de crainte par rapport à ça. Je mets toujours chaque situation à mon avantage. C’est aussi ce qu’on m’a appris à l’école. Chaque situation à ses inconvénients et ses avantages. Le Covid-19 avait ses inconvénients parce que je ne pouvais pas sortir et faire des spectacles. Mais dans mon plan, je n’avais pas pour ambition de faire des spectacles. J’avais pour ambition de faire des médias tours que j’ai juste différé. Au contraire, cette situation m’a donnée la possibilité de mieux communiquer et c’est ce que je suis en train de faire.
Qu’avez-vous justement pensé comme stratégie en ce temps de Covid-19 pour vendre ce Comeback ?
La stratégie était simple : maximiser ma communication sur le Net parce que les gens étaient confinés. J’avais un avantage de communiquer simplement et cibler d’abord le Net. Les gens étaient plus dans leur téléphone et autre. Après j’ai mis l’accent sur les télévisions. Je pouvais le faire sans me déplacer véritablement. Donc le confinement ne dérangeait en rien. J’ai mis l’accent sur la diffusion des vidéogrammes et ça a porté ses fruits parce qu’aujourd’hui, c’est connu que Ange Bagnia est revenue. C’est pas évident de faire un Comeback après onze ans et que ce soit connu en moins de deux mois. Les médias m’accompagnent aussi. Le covid-19 n’a jamais été une gêne.
J’aurai maximiser les émissions télévisées et les émissions radiophoniques s’il y avait pas eu ce problème-là. Mais je n’aurai pas aussi compris l’opportunité de la communication Web, parce que j’ai arrêté la musique à un moment où ce n’était pas d’actualité. J’ai donc pris le temps de me reformer, de savoir ce qu’est un média web, le digital. Je me suis remise à niveau et aujourd’hui, je le comprends mieux. Là, je viens de signer des contrats pour la vente digitale de mon album. Je les ai signés parce que je les ai étudiés et j’ai regardé les avantages. Pour moi, cette période a été toute bénéfique.
Lors d’une conférence de presse à Douala il y a quelques jours, vous annonciez la tenue prochaine d’un e-concert …
… Ce e-concert était préalablement prévu le 07 août. Mais avec mon staff en ce moment, on est en train de le projeter pour plus tard (le 21 novembre à Douala, et le 18 décembre 2020 à Yaoundé, ndlr) pour des raisons que vous devez comprendre. Les gens souhaiteraient aussi venir. Le faire seulement sur la toile, on aurait perdu cette chaleur-là parce que beaucoup de fans souhaiteraient partager ces moments avec moi. Ça fait onze ans qu’on ne m’a pas vue surtout en Live avec quelques-uns de mes collègues qui m’accompagnent depuis la sortie de mon album.
C’est un groupe d’amis qui porte ce projet. Il y a Franko, Andy Jemea, Dino Flo, Duc-Z,Nicole Mara, Metuschelah. On a chacun de nous des fans. On s’est dits qu’il faut les donner la possibilité de communier avec nous. Ce soir-là, ça sera la célébration de la musique, de notre amitié et de mon Come-Back. Avec la rentrée des classes annoncée en octobre, on se dit qu’en novembre ça pourrait être plus ouvert au déconfinement. Donc on pourra accueillir quelques personnes en présentiel pendant le e-concert.
L’album qui signe votre retour vous l’avez baptisé «Sérénité ». Pourquoi ?
Sérénité, c’est mon état d’esprit. Après onze ans avec les compétences acquises, avec le parcours que j’ai eu, je reviens sereinement avec beaucoup de maturité. Je reviens donc avec un album qui est plus mature. Je reviens avec plus d’assurance et de confiance en moi parce que j’ai quand même eu à voir du chemin sur le plan stratégique, de ma vie personnelle, sur le plan musical (j’ai beaucoup évolué). Surtout sur le plan des affaires, avec une renommée internationale à n’en plus démontrer.
Avec les cinq premiers titres déjà disponibles, on a remarqué beaucoup de reprises, de collaborations et de mixité. Est-ce sur ce prisme qu’on découvrira tout l’album ?
C’est un album de onze titres. Je vais toujours revenir aux stratégies. On ne peut pas faire un Comeback sans faire des featurings. Il faut des collaborations parce qu’après vous, il y a eu de l’évolution. J’ai pris Duc-Z pour représenter la musique urbaine qui est un peu plus mature que celle des jeunes de tout bord. J’ai pris Nicole Mara qui est quelqu’un de ma génération. Une génération intermédiaire. Je l’ai invitée sur mon titre à succès «Ndomè » et c’est en train d’être un succès. J’ai fait une compilation des meilleures succès de charlotte Mbango pour faire revivre le bon makossa à l’ancienne génération, pour les faire participer à mon album et rendre un hommage vibrant à cette grande dame de la chanson camerounaise. Avec Andy Jamea, j’ai fait un slow : «entre le cœur et la rancœur ».
Un Comeback, on s’amuse. On est content de revenir. On veut toucher le maximum de cibles. Et ça passe aussi par ces petits détails-là. Surtout, vous n’oublierez jamais que dans chacun de mes cinq albums, j’ai toujours valorisé la diversité culturelle du pays. Je n’ai jamais chanté seulement en mes dialectes que sont le medumba et le fèfè. J’ai toujours chanté en éwondo, en duala également. J’aimerai pour les fois prochaines, je suis en train d’y travailler, chanter de l’Assiko, les rythmes de l’Extrême-Nord ou du Nord. Ce serait pour moi un enrichissement supplémentaire.
On vous connait aussi avec une casquette sociale et un fort penchant pour l’épanouissement des enfants …
Dès que j’ai commencé ma carrière, j’y ai greffé directement un côté social. J’ai toujours fais une chanson pour les enfants dans chacun de mes albums. Je voulais à travers mes chansons apporter ma contribution à la réduction de la fracture sociale. Et je ne l’ai jamais fait seule parce que je ne suis pas égoïste. J’ai associé des Stars du football et certaines Stars de la chanson pour m’accompagner dans la sensibilisation et à l’esprit d’entraide. C’est ainsi que j’ai eu à sillonner mon pays avec un projet dénommé : « Caravane de cœur ». C’est un projet qui a marché au Cameroun.
Je vais le remettre sur pied. Déjà le lendemain du concert, nous avons prévu deux journées d’action sociale dans deux régions différentes du Cameroun pour pouvoir apporter quelques solutions à quelques problèmes sociaux qui minent notre pays. Nous allons mener des actions pour réconforter au maximum les personnes concernées. Mais dans mon plan d’actions, je mets une priorité sur la promotion de la réinsertion socio-professionnelle des personnes handicapées. Du jour au lendemain, on peut tous devenir une personne handicapée.
Puisque vous évoquez des situations d’invalidité. Revenons à la date du 27 mars 2005 où vous avez été victime d’un accident de la circulation. Comment avez-vous vécu cette période ?
(soupire…) C’est un flou. J’ai vu ma vie partir comme ça avec mon bébé en plus qui a eu un traumatisme. Ma main qui a été carrément arrachée du bras. J’ai eu beaucoup de chance pour la préserver. J’ai subi trois opérations de la main. Cet accident s’est produit lors du retour de l’inhumation de mon papa. J’ai aussi connu beaucoup d’années noires après ça. J’ai eu quatre autres accidents dans mon pays. Un autre à l’Extrême-Nord quand j’étais venue avec les Canadiens pour réaliser l’étude de faisabilité des projets que nous avons mis en avant. J’ai également eu un autre accident de circulation à l’Est avec mon frère ainé qui est mort entre mes mains. Ça a été l’évènement le plus traumatisant de ma vie puisqu’après ça, j’ai eu vraiment du mal à me relever moralement. Il a fallu le soutien de ma famille.
Il y a aussi eu le décès de maman, toujours par un accident. Vous comprendrez que pour moi, le volet handicapé entre en compte parce que le seigneur m’a donnée la possibilité de comprendre que si je marche encore avec mes deux pieds et que je possède encore mes quatre membres, c’est parce que je suis chanceuse. L’accident de l’immeuble qui s’est écroulé sur moi en 2011, j’ai eu des séquelles qui sont restées. Aujourd’hui j’ai mal aux hanches. Mais j’aurai pu en ressortir avec des séquelles plus graves. Je me mets donc à la place de ces personnes pour penser que tout peut basculer à tout moment.
A quel moment avez-vous décidé de basculer dans la musique ? Comment avez-vous su que c’était votre voie ?
(rires) Ca a basculé parce que quand j’étais à la maison j’aimais toujours chanter. J’écrivais, je chantais. On me demandait ‘’cet enfant, elle a appris ça où ?’’ Au primaire à l’Enfance joyeuse du Cameroun à Douala, j’étais toujours en train de mimer les chansons depuis le Cours élémentaire 1. J’ai à peine connu une vie de balade, d’amis, parce que j’ étais toujours entre les études et ma musique. J’ai continué au lycée en intégrant les groupes de danse, de chorale et de musique jusqu’au lycée général Leclerc, où on a créé l’orchestre du lycée. C’est comme ça que j’ai continué à nourrir cette ambition-là. Je me suis dite ‘’je vais faire ma musique, mais je vais aussi être une femme d’affaires. Je vais pousser mes études au plus loin’’. Le seigneur m’a permis de le faire.
Loin de la scène musicale et loin des affaires qui est Ange Bagnia ?
Loin de la scène et des affaires Ange Bagnia est une personne vraie, simple. Je suis trop attachante. C’est comme un défaut. Ange Bagnia ne se prend pas la tête. Je peux avoir de grosses colères. Je ne calcule rien dans ma vie. Et je ne vais pas protéger une relation parce qu’elle m’apporte quelque chose et réfléchir comment mettre de la diplomatie parce que j’ai un plan derrière. Non ! Ce qui peut justifier peut-être encore mon célibat, parce que je ne sais pas faire semblant. J’estime que dans une relation d’amour, il faut être vrai. J’aime le partage. J’aime recevoir des gens, faire la cuisine. Je n’aime pas être seule. J’aime les débats d’idées avec les personnes d’un certain niveau. Ça fait que j’ai très peu d’amis. Si je dois me marier, c’est avec un homme qui respecte mes valeurs. Riches et prétentieux, s’abstenir. Tout ce que j’ai eu dans ma vie, je l’ai eu par mes propres moyens. J’ai trois principes importants à mes yeux. C’est ma relation avec moi-même, avec autrui et avec Dieu.
Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo