Sujet: L’union de la force et du droit peut elle constituer un danger pour la démocratie ?   Lecture du sujet par un homme politique, candidat à la présidentielle 2011 Anicet Ekane,  candidat du Manidem à la présidentielle   L’examen de cette question nous oblige à des préalables définitions. Le Droit est entendu ici comme l’ensemble des lois et des règlements (us et coutumes compris) qui organisent et régissent une communauté d’humains, regroupés dans un Etat. Dans tout Etat, cet arsenal légal (on parle autant d’arsenal juridique que d’arsenal militaire, et ce n’est point un hasard) est la résultante d’un rapport de forces dans cette société. Généralement, pour simplifier, dans le monde contemporain, ce rapport de forces s’établit entre deux camps fondamentaux, plus ou moins organisés : le camp conservateur, d’obédience libérale ou néo-libérale et le camp progressiste. Ce rapport de forces peut intervenir soit à la suite de consultations plus ou moins démocratiques, soit à la faveur d’un coup de force institutionnel ou militaro-civil. Dans ce cas, il s’agit d’un Etat dictatorial. Par contre, le label d’un Etat de Droit est généralement attribué aux Etats dont les règles de Droit se rapprochent de celles des grandes puissances mondiales qui dirigent l’Onu, pompeusement appelées « la Communauté Internationale ». Très souvent, même les Etats aux pratiques oppressives envers leurs peuples, s’attribuent facilement le label de l’Etat de Droit. Dans la pratique, l’évolution du rapport de force au sein d’une société induit automatiquement, par la force des choses, une constante adaptation du Droit. Au fur et à mesure de l’équilibre du rapport de force, le Droit, dans sa société, prend le chemin du consensus. En effet, le camp qui bénéficie d’un rapport de forces favorable utilise la Force pour faire respecter le Droit. La Force est donc le bras armé du Droit. Et le Droit a tendance à devenir le cache-sexe de la Force.  Droit et Force forment un couple inséparable. Le Droit tire sa force, la Force du Droit, de l’obligation à faire respecter le Droit par l’utilisation éventuelle de la Force. Le Droit à la Force est légitimé par l’existence du Droit. « Dura lex sed lex », « la loi est dure, mais c’est la loi », une maxime ayant pour objectif de légitimer l’usage de la force pour faire respecter le Droit. Le Droit doit exister avec la Force, ne peut prospérer qu’avec l’usage de la Force. Il s’agit donc d’une union permanente, nécessaire et indispensable entre la Force et le Droit. La question de savoir si cette union est un frein à la Démocratie, conçue comme l’expression libre des citoyens, est une question factice, voire une question piège. En effet, la Démocratie elle-même est la dictature de la majorité sur la minorité.     Cette majorité doit naître de l’expression libre des citoyens qui lui confient la gestion de la cité. Or, il arrive souvent que ce ne soit point le cas. La loi des plus forts, du fait de leur capacité à maintenir un rapport de forces en leur avantage, arrive à s’ériger en Droit. Pour ce faire, et dans tous les cas, l’usage de la Force est récurrent et incontournable. Un célèbre écrivain français, disait que « les lois sont comme des toiles araignées. Les grosses mouches passent à travers. Il n’y a que les petites mouches qui y restent ». Même dans ces Etats de non-Droit, l’usage de la Force est automatiquement justifié par le respect du Droit. L’on voit bien apparaître un risque permanent dans l’usage de la Force, à tort et à travers, jusqu’à la transgression du Droit sur lequel repose l’usage de la Force. Ce risque est valable pour les Etats, certes, mais également pour l’Onu, qui récemment, sur des fallacieuses règles du Droit international, a usé des bombardements pour imposer son président en Côte d’Ivoire, et tente d’assassiner Kadhafi pour contrôler l’or noir de Lybie. Pour combattre cette dérive inhérente à cette union Droit-Force, nous allons esquisser quelques pistes de réflexion. Ce n’est point le sujet à traiter, certes, mais comment finir une telle problématique sur une note pessimiste ? L’union de la Force et du Droit est permanente. Il y a des risques d’abus qui vont donc être un danger pour la Démocratie. Pour s’armer contre cette dérive, la société démocratique doit se doter de contre-pouvoirs. A commencer justement par le pouvoir judiciaire, garant de l’application judicieuse du Droit. Ensuite, il faut renforcer le pouvoir des médias, une véritable sentinelle dans la société ; ceci suppose une indépendance politique et économique de ce pouvoir, vis-à-vis de l’Etat. Et enfin, et surtout, la société doit s’organiser et agir pour développer une opinion publique de plus en plus organisée et agissante. En réalité, pour brider le Droit à la Force, l’expression de la Force du Droit, les citoyens doivent s’engager dans la défense de leurs droits. Propos recueillis par Mathias Mouendé Ngamo