Mankoulang. Le recteur a conclu les négociations avec le chef du village, en l’absence des copropriétaires du terrain mandatés pour représenter la communauté.   Les relations sont un peu tendues entre le recteur de l’université de Douala, Bruno Bekolo Ebe et les habitants de Mankoulang-Souza, petit village situé à une quarantaine de kilomètres de Douala, dans le département du Moungo, arrondissement de Fiko. Au centre de la discorde, un lopin de terre de 200 hectares. « Don » offert au recteur par Sa Majesté Eugène Belle Wanguè, chef de la communauté de Mankoulang, en vue de l’extension de l’université de Douala. Des voix s’élèvent au sein de la communauté villageoise pour décrier du faux lors de la transaction foncière. Des fils du village indiquent que le chef a mené des négociations tout seul avec l’université de Douala, en l’absence de copropriétaires mandatés pour représenter la communauté. La tension encrée dans les esprits des mécontentes a été perceptible jeudi 24 mai 2012 à Mankoulang, lors de la cérémonie dite de remise du chèque de compensation financière d’une valeur de 100 000 000 de F. Cfa. Des habitants ont rejeté l’offre du recteur. Ils ont quitté leur siège au milieu de la cérémonie, courroucés par ce qu’ils qualifient de « mascarade ». Il s’en fallait de peu pour en venir aux mains. Vexé, le patriarche Félix Epée Wanguè, âgé de 80 ans, a bondi de sa chaise et s’est dirigé vers le micro. Un membre du protocole a voulu s’opposer à sa prise de parole. Un groupe d’habitants est aussitôt venu à sa rescousse. Le député Mpacko Kotto a ramené le calme, momentanément. Le patriarche, dans son speech d’une dizaine de minutes, a précisé qu’il veut faire comprendre aux villages voisins et à tout un chacun, le faux qu’il y a eu lors de la transaction foncière. Malgré les dissonances, le chèque de 100 000 000 de F. Cfa a été signé par le 2ème adjoint au préfet du Moungo, Charles Nji Muna, le sous-préfet de l’arrondissement de Fiko, Gui Landry Oscar et le recteur de l’université de Douala, Bruno Bekolo Ebe. Don Pour comprendre ce climat délétère à Mankoulang, il faut remonter le fil de l’histoire. Au départ, la communauté de Mankoulang dispose d’une parcelle de 1575 hectares. Il s’agit d’un terrain communautaire. Le titre foncier établi le 8 juin 1977 porte 52 noms et autres, et indique que la parcelle fait partie du patrimoine coutumier de Mankoulang. En 2001, l’université de Douala veut étendre ses locaux. L’institution sollicite du terrain à Mankoulang par l’entremise de Thérèse Belle Wanguè, alors secrétaire générale à l’université et épouse du chef du village. Le recteur dit avoir trouvé femme dans ce village et espère que la dot ne sera pas très chère. Les premières négociations sont donc entamées. Le chef décide d’octroyer 250 hectares en termes de « don » au recteur Bruno Bekolo Ebe, pour la construction du campus. Des voix s’élèvent au sein de la communauté. Des correspondances fusent pour décrier une « supercherie ». Des fils de Mankoulang, une vingtaine, saisissent le recteur par courrier le 25 février 2002. La lettre porte en objet « requête aux fins d’opposition de transfert de propriété à titre gratuit (don) à l’université de Douala ». Les signataires dénoncent l’imposture de certains parents et frères qui « se sont arrogés le pouvoir de disposer d’une partie de cette superficie, soit 250 ha pour en faire un don ». Sans manifester une opposition formelle à la construction du campus, ces fils Mankoulang exigent une compensation effective et réelle. Une autre missive est adressée au chef de la communauté, la même période, pour lui demander de surseoir à toute négociation jusqu’à ce qu’un consensus soit dégagé.    Le 9 septembre 2006, une séance de travail regroupe le recteur et la communauté villageoise à Mankoulang. A l’issue de la concertation, la communauté décide de mettre 200 hectares de terrain à la disposition de l’université de Douala. L’institution, par la voix de son recteur, s’engage à ouvrir les négociations avec la communauté sur les compensations liées à cet octroi. Une ordonnance de justice du Tribunal de première instance (Tpi) de Mbanga formalise les résolutions de cette séance de travail. Quatre représentants de la communauté sont désignés pour mener les négociations. Il s’agit de Sa Majesté Belle Wanguè Eugène, chef du village, de Felix Epée Wanguè, le doyen et de Joseph Charles Eugène Makota, élite et Fritz Richard Massot Mboma. « L’ordonnance de justice indique que les finalités inhérentes au transfert de propriété au profit de l’université de Douala seront engagées à l’issue des négociations relatives aux compensations liées à l’octroi dudit terrain », tient à préciser Joseph Charles Makota, un des mandataires et copropriétaire terrien. « Donc il n’est nullement question de faire un don ici », explique t-il. Titre foncier Le 16 mars 2009 une cérémonie de remise du titre foncier N°11069 au recteur de l’université de Douala par le chef de Mankoulang est organisée. Le chef fait donation par « préciput et hors part avec dispense de rapport » de 200 hectares à prélever sur les 1575 hectares de terrain communautaire. Felix Epée Wanguè, Joseph Charles Eugène Makota et Fritz Richard Massot Mboma sont confus. Ils disent n’avoir pas conclu les discussions sur le montant à reverser par l’université pour l’acquisition de la parcelle. Ceux-ci déclarent ne pas comprendre qu’un terrain communautaire ait pu être morcelé, alors que les héritiers ne sont pas sortis du principe de l’indivision. « Je constate que c’est une mascarade. Les institutions universitaires sont venues à Mankoulang. Je croyais qu’on avait à faire à un interlocuteur valable du gouvernement. Je constate qu’ils sont venus voler le terrain à Mankoulang. Le processus a commencé en 2001 à cause du comportement illégal du chef », se plaint le doyen d’âge, Felix Epée Wanguè, copropritaire de l’espace querellé. Les représentants de la communauté ont saisi le tribunal pour annulation de l’acte notarié. « L’affaire est mise en délibéré pour le 7 juin 2012 », déclarent-ils. Bruno Bekolo Ebe s’est exprimé à Mankoulang après les dénonciations du patriarche Félix Epée Wanguè lors de la cérémonie dite de remise de la compensation financière. Le recteur dit ne pas être surpris par ce qui se passe dans cette communauté. Pour lui, les points de vue opposés sont un gage de la fiabilité de l’affaire. Au sujet de ladite compensation financière, le recteur a expliqué à l’assistance qu’« une compensation ne signifie pas que ce qu’on donne représente la valeur de ce qu’on prend ». Ladite compensation, a-t-il expliqué, est inscrit dans le budget de l’Etat. Sur le plan des négociations avec la communauté, il a soutenu qu’il n’appartenait pas au recteur de dire qui est le représentant légitime de la communauté, ou de s’ingérer dans les problèmes internes du village. Il a indiqué en outre que le gouvernement avait la possibilité de faire une expropriation à Mankoulang, au nom de l’utilité publique. « Je ne suis pas venu pour remporter une victoire contre quiconque. Je n’ai aucun état d’âme de repartir avec le chèque. Si vous voulez je le ferais et je rendrais compte à la partie gouvernementale que je représente », a-t-il menacé. Le recteur ne s’est pas étalé à son tour sur les démarches entreprises pour l’obtention des 200 hectares de terrain. Les protestataires attendent à ce jour la réaction de la présidence de la République, du premier ministère et de la Commission nationale anticorruption (Conac), entre autres. Des courriers ont été déposés dans ces différentes institutions. Ils avaient déjà été déboutés au Tribunal de grande instance de Douala et condamnés aux dépens à la Cour d’appel du Littoral lorsqu’ils y avaient traduit le chef. Mankoulang A Mankoulang (qui signifie en français petite hache) on attend de voir les prochaines tournures de l’affaire. Mais on reconnait néanmoins que l’implantation d’une université dans le village permettrait d’accélérer le développement dans cette zone dominée à majeure partie par la broussaille. Le village est traversé par une route bitumée qui s’étend sur plus de 35 kilomètres jusqu’à Bwapaki, le village de l’actuel président de la Cour suprême, Alexis Dipada Mouelle. La ligne de chemin de fer Douala-Mbanga qui passe tout près n’est plus opérationnelle. Sur le plan des infrastructures, la localité de Mankoulang n’a pas d’école ni de centre de santé. Une seule église (protestante) rassemble les fidèles du coin. Une situation qui a poussé la majeure partie des 700 fils et filles à se replier vers les grands centres urbains proches, notamment à Douala. Plus qu’une vingtaine d’autochtones sont domiciliées au village. Mathias Mouendé Ngamo