Nécrologie. L’artiste musicien camerounais décédé le 16 mars à l’hôpital Général de Yaoundé a contribué à l’essor du rythme makossa.   Quatre jours après le décès de l’artiste musicien camerounais Guy Lobè à l’hôpital général de Yaoundé, ses amis et proches restent émus et confus. Ils ne comprennent pas les réelles motivations qui ont poussé l’artiste à se rendre au Cameroun. Lui qui vivait en France depuis plusieurs années déjà avait un état de santé précaire, à la suite d’un Accident vasculaire cérébral (Avc) contracté en 2010. Il avait même été annoncé pour mort à cette époque-là, mais il n’en était rien. Bien que plongé dans le coma, Guy Lobè avait eu raison de la mort. Passé cet épisode douloureux de sa vie, l’artiste a cessé les navettes vers son pays natal et fréquentait régulièrement des médecins là-bas en France, pour retrouver la grande forme et la joie de vivre qui l’ont toujours animé. Il convole même en juste noces en 2012.        Aux proches qui l’ont côtoyé en France ces derniers mois, Guy Lobè assurait qu’il n’était pas possible pour lui de se rendre au Cameroun, vu son état de santé. La maison départementale des handicapés de France lui avait reconnu un taux d’invalidité de 80%, apprend-on. L’annonce du décès de l’artiste au Cameroun lundi 16 mars 2015 a donc d’abord été considérée par plusieurs de ses amis et connaissances comme une rumeur, une blague de mauvais goût. Et des blagues, Guy Lobè en avait toujours. Jacky kinguè, artiste et ami du défunt, se souvient de cette visite dans la chambre d’hospitalisation de Guy Lobè en France, au lendemain de son Avc en 2010. « Ce jour-là, nous l’avons trouvé allongé sur le lit. Il venait de se réveiller du coma. Mais c’est pourtant lui qui parlait le plus. Il nous a fait marrer pendant près de 5 heures. C’est un monsieur qui avait plein d’histoires et il savait les raconter. J’ai beaucoup appris de lui en musique et aussi en ce qui concerne la vie», témoigne Jacky Kinguè.        Blagueur et fidèle en amitié Un autre ami qui s’était rendu au chevet de Guy Lobè en France en 2010 se souvient que les infirmiers étaient surpris de voir autant de visiteurs. « Guy Lobè nous a expliqué que comme les blancs nous prennent pour des singes, ils étaient surpris de savoir qu’il avait autant de connaissances. Lorsqu’il a déclaré au médecin chef qu’il était artiste, ce dernier a fait des recherches sur Internet pour se rassurer. Après quoi, il a offert une chambre plus confortable à l’artiste », rapporte l’ami. Qui indique que Guy Lobè s’offusquait à ces derniers jours du fait que la maladie ou la mort des artistes retient l’attention d’un grand monde, « mais lorsqu’un musicien sort un nouvel album, personne n’est au courant », déplorait –t-il. Si on lui reconnaissait un amour poussé vers la consommation du Whisky et du cigare, un de ses neveux assure qu’il était toujours sobre.   « C’était un homme de poigne, de principes et très intransigeant. Il avait ses défauts, mais beaucoup de qualités aussi. Il était fidèle en amitié », reconnait Alain Gérard, artiste et cousin du disparu. Comme preuve de cette fidélité en amitié, Sam Mbendè, artiste et ex-président de la société de gestion des droits d’auteurs Cameroon Music Coorporation (Cmc), se souvient de ce jour où la police est venue pour l’interpeller. Guy Lobè s’y est opposé. Il s’est assis au sol et a demandé à la police de le tuer avant de se saisir de Sam Mbendè, son ami. Malgré sa grande corpulence, son physique imposant et son succès en musique, Guy Lobè n’aimait pas le complexe de supériorité et la provocation, soutient Serge Ewoudou, son neveu. Il se rappelle de ce jour-où son oncle se rendait dans une discothèque à Deïdo. « Un des ‘’ gros bras’’ posté à l’entrée s’est moqué de sa coupe de cheveu en demandant s’il est devenu un samouraï. Guy Lobè lui a administré une gifle qui l’a propulsé à plusieurs mètres. Il faisait peur avec sa taille et son gabarit. Il était vraiment imposant», relève Serge Ewoudou.    Au domicile des Lobè ce mercredi 18 mars 2015 à la Rue Kotto au quartier Deïdo à Douala, le portail est entrouvert. Yves Lobè, le frère cadet de Guy, n’est pas disponible. Contacté au téléphone par un de ses proches, il répond avec une voix enrouée après plusieurs insistances. Il se repose. Il ne peut pas parler. Il a chanté toute la nuit et s’est couché au lit autour de 5h, fait –t-il savoir avant de prendre congé de son interlocuteur. Le Jour a appris que la veille, Yves Lobè a passé la grande partie de la journée a revisité des chansons de son frère ainé, guitare à la main. De temps à autre, il a jeté un regard vers le grand manguier planté dans la cour du domicile. « C’est à l’ombre de ce manguier que Guy Lobè faisait ses répétitions. C’est là qu’il a composé la maquette de son premier album. Je crois qu’il y puisait une grande source d’inspiration», confie Serge Ewoudou. Les voisins du quartier rencontrés par le reporter présentent le disparu comme un rassembleur, quelqu’un de disponible. « Chaque fois qu’on avait un problème au quartier, on le lui posait. Il trouvait toujours une solution. On l’a vu difficilement se fâcher. Il était toujours avec les jeunes et les adultes », se rappelle Etame Kingue, un des habitants de la Rue Kotto. Artiste prolifique Né le 27 janvier 1959 au quartier Akwa à Douala, Guy Lobè est l’ainé d’une famille de sept enfants. Le dernier né est décédé il y a une dizaine d’années. Le père aussi n’est plus. La maman vit en Europe. Le petit Lobè grandit à la Rue Kotto à Deïdo, au domicile des grands parents. Il passe son cycle secondaire au collège Integ et s’en tire avec un Baccalauréat. Il travaille quelques années dans une société d’assurances. Mais Guy Lobè est rongé par le virus de la musique. Il quitte le monde de l’entreprise. Il avait déjà fait ses premiers pas lors des concerts scolaires. Il investit donc les cabarets, et notamment Aris Bar, un des célèbres cabarets des années 80 sis au quartier Akwa à Douala. En 1984, il sort son premier album sous le registre makossa, baptisé « Dégager ». Ce père de deux enfants est produit par Aladji Touré. Le guitariste Sammy Djondji l’accompagne à la guitare dans ce premier disque qui captive. Guy Lobè apprend très vite à jouer à différents instruments et manie aussi bien la guitare, la basse, le piano, entre autres. Il met sur le marché discographique une dizaine d’albums, dont « Mon amie à moi », « Malinga », « Cocktail », «solitude », « Union libre », « Coucou ». « C’était un des artistes les plus productifs de sa génération. Il mettait sur le marché discographique au moins un album chaque année. Il a été au sommet des Hit parades et a remporté des prix en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Canada, aux Antilles, entre autres », se souvient Sam Mbendè.  Pour les artistes, Guy Lobè était un parolier. Il faisait des chansons à textes et développait beaucoup les thèmes en rapport avec l’amour, la détermination. Il a contribué a donné au rythme makossa, ses lettres de noblesse. Guy Lobè a également contribué au développement de la carrière de nombreux autres artistes. Il a fait des compositions pour Charlotte Mbango, Sissi Dipoko, les jumeaux Epée et Koum, Joëlle Esso. Il a écrit une chanson intitulée « Chercher la vie », pour Alain Gérard. « La graine musicale, je l’ai cueillie en regardant Guy Lobè chanter », reconnait ce dernier. Guy Lobè a aussi fait plusieurs collaborations musicales, avec Sergeo Polo, notamment. Il a également fait des arrangements d’albums. Lui qui jouait de la musique tout le temps, quand il en avait l’occasion, préparait un album avec le bassiste camerounais vivant aux Etats-Unis, Fréderic Doumbè, selon nos informations. « Guy Lobè a composé récemment des titres de world music. Il a dit qu’il allait changer de registre. Qu’il n’avait plus la force pour faire du makossa. Il allait se lancer dans la World Music », confie Jacky Kinguè. La mort de Guy Lobè a enterré tous ses projets. Pour Serge Mbarga Owona, un des mélomanes fan du makossa des années 80, « Guy Lobè est un des derniers monstres sacrés de la musique camerounaise. C’est une grande perte. Guy Lobe faisait partie avec Dina Bell et autres, de ces artistes qui ont l’art de sortir des tubes. Quand il chantait, ça ne laissait personne indifférent. Il faisait du makossa dansant», se désole –t-il. Le programme officiel des obsèques de Guy Lobè n’est pas encore clairement établi. Des proches font savoir que la dépouille quittera Yaoundé vendredi 20 mars 2015. Elle sera déposée à la morgue de l’hôpital de région militaire n°2 de Douala. Plusieurs réunions entre les artistes et les membres de la famille seront ensuite organisées pour dresser le programme des obsèques du père de « Union libre ». Mathias Mouendé Ngamo