Un tamtam parleur, photo d'archives pour illustrer le Ndek

Ce tam-tam sacré a permis d’envoyer des signaux cryptés à ce peuple de la région du Nord-Ouest du Cameroun pour les protéger des esclavagistes.

Des ressortissants de la région du Nord-Ouest sont formels. Si le Ndek n’avait pas existé, le peuple Guneku aurait sans doute été rayé de la carte du Cameroun pendant la traite négrière. En effet, ce tam-tam sacré a permis de sauver ce peuple situé dans le département de la Momo, arrondissement de Mbengwi, lors de l’invasion des esclavagistes. Les initiés racontent que le Ndek permettait d’envoyer des messages cryptés aux populations de Guneku et aux villages voisins à l’approche des négriers. Le peuple averti avait ainsi l’occasion de fuir et de se cacher dans des grottes.

« Le Ndek émettait son signal sur un rayon de 16 kilomètres. Quand les négriers venaient chercher des esclaves, ils ne trouvaient personne au village»,

rapporte Elvis Tayong Fah, Ngamfon ( porte-parole) de la chefferie Guneku.

Il explique que le Ndek était placé au-dessus d’une grande montagne et n’était joué que par des initiés de cette chefferie traditionnelle de 2ème degré qui compte quelques 3000 habitants établis dans 27 quartiers.

Lire Aussi : Sha’Pam : Quand le Sultan Roi reçoit les pouvoirs du peuple

Une valeur patrimoniale forte

Le tam-tam sacré présenté comme « l’âme » du peuple Guneku est imposant de par son envergure. Il est fait en bois et mesure 2,5 mètres de long. Il a un diamètre de 85 centimètres pour un poids de 400 kilogrammes. L’original du Ndek date de la période de la traite négrière. Mais une réplique conservée à la chefferie date de près de trois siècles, apprend-on.

« Ce tam-tam a un discours anthropologique. Ça rentre dans le cadre de l’histoire du peuple de Guneku. On pense que si il n’y avait pas eu ce tam-tam, ce peuple n’existerait plus. Donc il a une valeur patrimoniale forte »,

indique Michel Ndoh Ndoh, un expert culturel très engagé dans la recherche et valorisation du patrimoine matériel et immatériel en Afrique. L’expert culturel camerounais fait savoir qu’en 2009, le Ndek comptait parmi les objets de l’exposition de tambours intitulée « Rompre le silence, tambour battant » dans la galerie nord-est de l’entrée des visiteurs du siège des Nations Unies à New York, aux Etats-Unis. Une exposition organisée en souvenir des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves.

Lire Aussi : « Les Trois Lascars » : Quand la Tchiza est aux commandes (critique de film)

Le Ndek aux Nations Unies

Michel Ndoh Ndoh, qui faisait partie de la délégation camerounaise, a participé au transport de ce tam-tam spécial des tréfonds de Guneku jusqu’à New York. Un communiqué de presse des Nations Unies publié le 24 mars 2009 et relatif à l’exposition hommage informe qu’ « avant de permettre aux autorités camerounaises d’envoyer le Ndek à New York, le peuple Gounoko a procédé à une cérémonie spéciale présidée par son roi (fon), en spécifiant que personne ne devrait jouer de ce tambour et en s’assurant auprès des autorités que le tambour sera restitué rapidement et en bonne condition à sa terre d’origine. Pour faciliter ce retour, le peuple Gounoko a accepté de prêter ce bien culturel aux autorités à mi-chemin du territoire de la communauté. Dans un sens spirituel, ils ont ainsi éliminé tous les obstacles». 

Aujourd’hui, le Ndek existe toujours dans la chefferie traditionnelle de Guneku dans la région du Nord-Ouest du Cameroun. Elvis Tayong Fah, le Ngamfon, fait savoir que ce tam-tam parleur est utilisé pour véhiculer des messages précis et cryptés à la population. « Ce tam-tam est utilisé pour annoncer de bonnes et de mauvaises nouvelles. La manière de le jouer diffère selon le message à faire passer au peuple. Lors du décès d’un chef par exemple, ce tam-tam est joué dans la cour de la chefferie», explique Elvis Tayong Fah.

Mathias Mouendé Ngamo