Blasius Kpwai, déplacé interne, se sert de la langue française pour s'intégrer dans sa communauté d'accueil à Douala. Crédit photo Mathias Mouendé Ngamo

A 35 ans, le jeune déplacé interne qui a fui la crise anglophone dans la région du Nord-ouest du Cameroun s’adapte à son nouveau milieu de vie à Douala et bénéficie d’opportunités grâce au maniement de la langue française apprise sur le tas.

Blasius Kpwai n’a pas le visage reluisant lorsqu’il faut évoquer les conditions dans lesquelles il a fui les troubles dans la région du Nord-Ouest du Cameroun. Ce jeune déplacé interne âgé de 35 ans est parti de son village natal Benka à Bamenda, pour trouver refuge à Douala en 2017. Il squatte depuis lors dans le domicile de Joseph Mofor, le chef du bloc 11 au quartier Makèpè-Missokè, dans l’arrondissement de Douala 5ème.

La maison du bienfaiteur accueille une cinquantaine d’autres déplacés internes de la crise anglophone qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et Sud-ouest du Cameroun depuis 2016. Blasius, comme ses autres semblables, n’osait pas mettre son pied hors de la maison à son arrivée. Pour cause,

«J’avais peur de rencontrer des gens qui allaient nous parler en français et on allait pas savoir comment répondre. On subissait aussi des railleries»,

se souvient cet orphelin de père.

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Il relève aussi que les interactions ne se limitaient alors qu’entre eux, déplacés de la zone anglophone. En présence d’un étranger, il fallait se référer au propriétaire de la maison qui jouait le rôle d’interprète.

« Aujourd’hui, je comprends bien le français »

Ecoutez Blasius Kpwai, déplacé interne de la crise anglophone vivant à Douala. Crédit photo: Mathias Mouendé

Mais aujourd’hui, la situation n’est plus la même. Blasius affiche d’ailleurs un large sourire lorsqu’il parle de ses rapports avec son environnement. « Aujourd’hui, je comprends bien le français. Il n’y a plus aucun français que je ne peux pas comprendre. Je m’exprime avec un peu de difficulté, mais je me débrouille et je me fais comprendre. Quand c’est compliqué, j’utilise le pidgin (un anglais argotique parsemé de quelques des mots français, ndlr)», fait savoir le déplacé interne, dans un français un peu décousu, mais compréhensible.

L’ainé d’une famille de six enfants confie avoir appris à manier la langue française auprès de ses enfants Vision (5 ans) et Courage (2 ans). « Ils s’expriment mieux que moi-même », dit-il, en souriant. Le jeune homme que nous rencontrons vendredi 13 août 2021 est engagé dans un chantier de construction avec d’autres jeunes de Makèpè-Missokè. Il reconnait que l’apprentissage de la langue française lui a permis de s’intégrer au sein de la communauté.

« Maintenant j’ai des amis francophones, hommes et femmes. Je n’ai pas eu des problèmes avec quelqu’un. Lorsque des gens viennent rendre visite aux déplacés internes à la maison, c’est souvent moi qui explique aux autres ce qui est dit»,

se réjouit -t-il.

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L’indépendance financière de Blasius Kpwai

Même s’il n’a pas d’activité régulière génératrice de revenus, Blasius Kpwai qui a interrompu ses études en classe de Form 4 (3ème dans le sous-système éducatif anglophone) à Bamenda se vante de ne plus dépendre entièrement de son hôte pour survivre.

Ecoutez la réaction de Flore Mofor Sikali, l’épouse du chef de bloc 11 de Makèpè Missokè à Douala.

Mirabelle, la compagne de Blasius, elle, est reste coupée de son environnement. La jeune dame a refusé de s’adonner au commerce de poisson à la braise qui lui a été proposé. Elle qui dit craindre ne pas pouvoir s’intégrer parce qu’elle ne s’exprime qu’en anglais, peine à s’adapter. Au final, dame Kpwai ne sort que rarement de la maison et dépend entièrement de son mari et de la chefferie.

Ecoutez l’avis de Tchakounté Kemayou, sociologue (doctorant).

Mathias Mouendé Ngamo