Le Kilichi

Le Kilichi tant prisé est fait à base de viande, poisson, poulet et d’ingrédients bien spécifiques. Il peut être conservé pendant plus d’un an.

Ce lundi 24 mai 2021, Aliou Aoudou est assis sur un tabouret dans son atelier de travail au Grand Marché, non loin de la mosquée centrale de Ngaoundéré. Vêtu d’un ensemble de couleur noir, il a arboré son tablier. Il tient dans sa main droite un couteau. Devant lui, une bonne quantité de viande de bœuf est étalée sur une table. Une lime est posée tout près. Elle lui permet d’aiguiser son couteau de temps à autre. Il est presque 11 h. ici, le travail a déjà commencé.

Sur cette partie de la viande, Aliou procède au nettoyage. Il élimine les déchets qui entourent la chair qu’il a sélectionnée. Après cette phase, Aliou découpe cette viande en forme rectangulaire d’une longueur de 15 cm environ avec une épaisseur qu’il juge acceptable pour réaliser un autre découpage plus mince et plat.

 Du Kilichi à la viande de bœuf

Pour réaliser le Kilichi à la viande de bœuf, il faut au préalable faire le choix de la viande. La bonne chair de bœuf. Dans les explications d’Aliou, toute chair peut faire du Kilichi, en fonction des préférences et les choix opérés. Un animal possède en effet trois catégories de chair, renseigne-t-il. « Les premières catégories sont plus tendres, plus respectées et plus saines. C’est pour ça que pour faire mon Kilichi, j’ai choisi la première catégorie à savoir le filet et le faux filet », indique-t-il.

Une fois la marchandise rendue disponible, il faut nettoyer pour enlever tous les déchets qui collent à ladite chair. Ensuite, vient le découpage. Les lamelles de viande sont entreposées sur un grillage pour le séchage. Après avoir passé cette étape, il faut passer au four. Il ne s’agit pas de tout type de four. Celui pour la cuisson du Kilichi est bien particulier.  

Aliou Aoudou à l’œuvre. Vidéo Moustapha Oumarou

La cuisson du Kilichi se fait en quatre étapes et il faut en moyenne une à deux heures de temps pour obtenir le produit final.

« On enfourne une à deux heures après, on ressort. On le laisse se refroidir. Puis on assaisonne et on l’introduit à nouveau au four. On ressort pour le refroidissement et la dernière cuisson qui consiste à laisser la viande sur un feu doux»,

détaille Aliou Aoudou.

Après avoir achevé cette étape, le produit obtenu est prêt à la consommation. C’est le Kilichi.

Dans les éléments pour l’assaisonnement, on a reconnu de l’eau, du sel, de la pâte d’arachide, du piment. Aliou y ajoute d’autres épices.

Du Kilichi au poulet

Le Kilichi au poulet quant à lui se fait avec du poulet de chair reformé. « Le poulet qui sort après 45 jours, on le laisse faire trois à quatre mois supplémentaires pour qu’il devienne mature », fait savoir Aliou. La production du Kilichi poulet est identique à celle de la viande de bœuf à quelques différences près.

« Une heure de temps suffit pour obtenir le produit final du Kilichi poulet et l’assaisonnement n’est pas le même »,

renseigne-t-il.

Du Kilichi poisson plus complexe à réaliser

Des filets de capitaines

Pour faire du Kilichi poisson, Aliou choisi la variété des filets de Capitaines. Il faut une attention particulière lorsqu’il s’agit du travail de ce type de Kilichi.

« La chair est fragile. Si tu laisses plusieurs heures après la maturation de la viande de poisson, elle va entrer dans la phase de la décomposition. Et cette chair ne pourra plus servir à faire du Kilichi. Et c’est une perte »,

explique Aliou.

La technique d’assaisonnement du Kilichi poisson est différente de celle du Kilichi poulet et viande. Aliou se garde de donner plus de détails.

Le travail de cuisson du Kilichi poison est très sensible. Lorsqu’il est séché à l’extérieur, il est susceptible de s’abîmer. Trop de feu rend la chair en poudre  et moins de feu fait casser le poisson. Pour se lancer dans la diversification des goûts des consommateurs, Aliou a eu l’idée de réaliser le Kilichi poulet et poisson. Seulement, lorsqu’il commençait la nouvelle expérience sur le Kilichi poisson, il a connu beaucoup de pertes.

« J’ai commencé difficilement avec le Kilichi poisson. A mes débuts, j’avais acheté 200 kilogrammes des filets de Capitaines et j’ai connu une perte »,

se souvient le quinquagénaire lancé dans cette activité depuis sa tendre enfance, aux côtés de papa.

Aliou Aoudou n’est pas le seul encré dans ce commerce dans la ville de Ngaoundéré au Cameroun, mais dans sa famille, le Kilichi est une affaire qui se transmet de génération en génération.  

Une denrée prisée

Le Kilichi aujourd’hui est une denrée prisée, et pas seulement dans les régions du Nord, où il est produit en grande quantité. C’est un met qui se consomme comme grignotage, mais aussi avec des tubercules et autres féculents. Il est croustillant dans la bouche et peut être conserver pendant plus d’un an. Les clients se recrutent auprès de toutes les classes. «Je veux du Kilichi viande pour 40 000 F. Cfa. », commande un client à Aliou ce lundi. Il précise qu’il aura besoin du Kilichi non pimenté pour 20 000 F et du pimenté, avec du piment doux, pour le reste de la commande. Aliou a pris bonne note. Le client sera livré le lendemain.

Entre autre difficultés que rencontre Aliou dans son secteur d’activité, figure le problème d’emballage pour la marchandise et aussi le problème de délestage. Car dit-il, ces coupures de lumières ne lui permettent pas de maturer la viande.

Moustapha Oumarou Djidjioua, à Ngaoundéré