L'humoriste camerounais Hoga

L’humoriste camerounais Hoga qui totalise 25 années de carrière fait la Une des réseaux sociaux depuis qu’il a décidé de challenger la superstar de l’Ufa/Mma, Francis Ngannou.

Qu’il pleuve ou qu’il neige, Hoga se rendra à la salle de boxe ce mercredi 15 juillet 2020 à 15h30. Il va pointer sa 13ème séance d’entrainement sous la coordination du coach Jean Paul Mognemo. C’est devenu une tradition à laquelle il s’y est conformée depuis bientôt six semaines. L’humoriste a rendez-vous tous les lundi, mercredi et vendredi. Il prépare le fameux combat avec la superstar de l’Ultimate Figthting Championship (Ufa/Mma), le boxeur Francis Ngannou. Un challenge qu’il a lui-même lancé au champion après que ce dernier ai remporté son combat en battant Jairzinho Rozenstruick du Surinam, en dix-sept secondes chrono. Une performance qui n’a pas manqué de faire écho dans la presse. Hoga, lui, s’est donné pour défi de venir à bout du champion, son compatriote, en seulement huit secondes. Une sortie qui a suscité du rire sur la toile. Quoi de plus normal. C’est un humoriste qui a parlé.

Mais seulement, le « Pichichi Hoga » prend à cœur sa déclaration du dimanche 10 mai 2020 et se prépare pour le jour-dit. La réaction de Francis Ngannou ne s’est pas faite trop attendre. Le 14 mai 2020, dans une vidéo où il s’adresse à ses fans, le boxeur poids lourd a indiqué qu’il relèverait le défi lancé par l’humoriste. Même s’il est difficile pour plusieurs d’imaginer une telle affiche, les choses se précisent dans le sens de la tenue effective de cette rencontre. En séjour au pays, Ngannou a retrouvé Hoga et sa team à la salle d’entrainement située derrière la mairie de Douala 2ème.

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“Au départ, c’était très difficile”

« Il y aura combat. Vendredi il nous a retrouvé aux entraînements. La date du premier combat a été fixé au 22 août 2020. Sauf si des modifications interviennent entretemps, c’est la date calée »,

souligne l’humoriste Hoga, que nous rencontrons à son domicile au quartier Grand Moulin à Douala dimanche 12 juillet 2020. Il revient d’un « 2-0 ».

Sur son état d’esprit par rapport à cette rencontre prochaine, l’humoriste dit être un peu stressé depuis le début du challenge. Lui qui avait abandonné toute activité sportive depuis des lustres se retrouve dans des séances intensives de boxe. Un sport qu’il n’a jamais pratiqué auparavant. Il n’a d’ailleurs jamais pratiqué un sport de combat. La boxe, il l’avait toujours considérée comme « un sport des bandits ». Aujourd’hui, il travaille avec des champions d’Afrique de boxe à Douala pour préparer son combat. Après onze séances déjà, il remarque quelques petits changements.

« Au départ c’était très difficile. Même le saut à la corde était très compliqué à réaliser. Maintenant, je me sens plus leste. Mais je triche un peu. Je ne peux pas aller au même rythme que ces jeunes. On m’apprend à donner des coups de poing, à esquiver, à monter la garde. J’ai déjà pris goût. Je ne vais plus laisser la boxe», indique le challengeur de Ngannou.

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Il y aura combat

Hoga reste confiant, même si sur la balance des statistiques, ses points équivalent au poids d’une plume de l’avis de plusieurs. Ils sont nombreux qui prédisent la défaite de l’humoriste. Dans sa propre maison, les pronostics ne sont pas vraiment favorables à sa victoire.

«Il y a des fans qui ont demandé que je vienne avec mon cercueil. D’autres ont demandé d’appeler l’ambulance le jour du combat. J’ai répondu à ceux-là qu’il faudrait alors organiser le combat dans un hôpital, car avec nos embouteillages, l’ambulance pourrait ne jamais arriver. Même ici dans ma propre maison, il y a certains de mes enfants qui disent que Francis Ngannou va me battre (rires)»,

confie le boxeur en herbe qui comprend la position des uns et des autres.

Il utilise d’ailleurs lui-même l’autodérision sur ce sujet. Il indique qu’à l’observation du grand écart de taille sur la photo prise avec Ngannou vendredi dernier, on dirait un père (Ngannou) qui accompagne son fils (Hoga) à la maternelle. Sacré Hoga !

Tout commence avec l’humour, mais il y aura combat, précise -t-il à ceux qui sont encore sceptiques. L’annonce de ce combat sonne aussi chez Hoga comme une opportunité à saisir pour son image et le positionnement dans sa carrière artistique. Il faut bien penser humour et business ! Avec sa team, le challengeur de Ngannou réalise des capsules de deux à cinq minutes partagées sur les réseaux sociaux. On le voit dans une des capsules, faire le tour de ville en footing. Dans une autre, il s’entraine avec des internationaux. « Avec ce challenge que j’ai lancé et la réponse de Ngannou, ma popularité a triplé », confie l’humoriste Hoga.  

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Covid-19

Au-delà du show en ligne, l’humoriste pense qu’il y a une très forte valeur ajoutée sociale et sportive dans cette action. «Ces capsules sur mes entrainements que mon équipe partage sur les réseaux sociaux font rire et oublier un peu la pandémie du Covid-19 qui sévit en ce moment. Ce n’est plus qu’une affaire de Ngannou et moi. Ça va au-delà, parce que je me retrouve dans des groupes de boxeurs du monde », déclare Hoga, serein. Il fait savoir que sur la toile, il a été saisi par un jeune homme de 25 ans qui explique qu’il veut désormais faire de la boxe. Qu’il a été inspiré par lui. « Il m’a dit qu’il veut désormais mourir sur un ring de boxe. J’ai payé son adhésion pour suivre des entrainements dans une salle », affirme l’humoriste.

Ce n’est pas la première fois que Hoga lance un challenge sous la forme d’un sketch. On se souvient de cette autre vidéo de lui dans laquelle il est sous la pluie. « J’ai demandé un jour à Eto’o Fils ‘’mon frère comment tu as fait pour être célèbre comme ça ?’’/il me dit j’ai mouillé le maillot/. Vous-mêmes vous êtes en train de constater maintenant ce n’est plus le maillot que moi je mouille/. Je me suis mouillé moi-même./ Maintenant, j’attends ma part de célébrité », lance -t-il. Il y a aussi cet autre sketch sous la forme d’une prédication, dans laquelle Hoga titille l’international footballeur camerounais Christian Bassogog. Il indique qu’en 25 ans de carrière, Bassogog est devenu milliardaire, tandis que lui, en 25 ans de carrière, il est toujours locataire. L’humoriste relève au passage que Bassogog a 25 ans alors que lui, il célèbre ses 25 ans de carrière. Sacré Hoga ! Les deux premières interpellations sont passées sans réactions des personnes ciblées. Avec Ngannou, cette fois c’est différent. Le boxeur qui a fait partie du casting de la saga américaine « Fast And Furios 9 » a accepté le défi. Les fans et autres Camerounais suivent avec curiosité et sourire aux lèvres le déroulement des évènements.

L’humoriste Hoga sur les scène Pro depuis 1995

L’humoriste Hoga le pichichi

Mais qui est donc ce Hoga qui défie une étoile de la boxe camerounaise qui a inscrit son nom sur le toit du monde ? Il est humoriste bien connu et reconnu au Cameroun. Il peut être rangé dans la catégorie des poids lourds de l’humour de sa génération. Hoga se produit sur les scène Pro depuis 1995. Cette année-là, il est repéré par un confrère, l’humoriste Tonton Casserole. C’est lui qui lui tient la main. Il écume d’abord les cabarets à la Une à Douala à l’époque. Il se produit régulièrement à La Croisière (au feu rouge Bessenguè), à La Duchesse -à Bali), au Pioneur (à Akwa). Des enseignes qui n’existent plus. Le petit Hoga doit très vite faire rentrer des sous pour préparer la venue de sa première fille qui arrive au monde en février 1996. Il enchaîne donc avec les représentations. Il évolue au début en duo, puis vole très vite de ses propres ailes.

Hoga effectue son premier spectacle hors du pays en terre gabonaise, en 2000. Ici, il n’apprécie pas sa prestation en One Man Show et décide de se perfectionner dans ce segment. Il y parvient. Il met six albums sur le marché. « Les mésaventures de maitre corbeau », « Tou grisses, tou grisses, tou tombe, tou tombe », « Le malade enchainé », « I have a dream » « Remember », « Chacun porte sa croix ». L’humoriste Hoga réécrit aussi une chanson de Sergeo Polo qu’il rebaptise « Version originale ». Il chante : « Gigolo exceptionnel ». L’homme est sollicité pour prester dans presque tous les pays d’Afrique francophone. Il se produit au Gabon, Togo, Bénin, Guinée équatoriale, Mali, Tchad, Congo, Rdc … « Ce qui me manque, c’est de me produire hors du continent », confie l’artiste.

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25 ans de carrière

Aussi curieux que cela apparaitrait aux yeux de nombreux fans, en 25 ans de carrière, Hoga n’a jamais joué au Nigéria. Lui qui présente fièrement ce pays d’Afrique de l’Ouest comme sa deuxième patrie. D’ailleurs, il n’y a qu’à écouter sa manière de s’exprimer dans une sorte de pidgin (anglais argotique), mêlé d’un bout de français dont la construction des phrases et les accords grammaticaux laisse à désirer et vous plient en quatre. On dirait bien un Nigérian installé au Cameroun depuis peu et qui se débrouille en vendant des pièces détachées de véhicules au lieu-dit Camp Yabassi à Douala. C’est en tout cas dans ce personnage qu’il s’est glissé depuis ses débuts et qui fait sa particularité. Comment a-t-il donc fait pour en apprendre davantage sur les us de ce pays voisin, la prononciation de leurs noms (…) sans jamais s’y rendre? Hoga confie qu’il a passé son cycle secondaire au lycée bilingue de Buea, dans la région du Sud-ouest frontalière au Nigéria.

Dans la peau d’un Nigérian

L’humoriste Hoga lors de son entrainement en vue du combat contre Francis Ngannou

A l’époque quand il entre en 6ème, « il n’y avait que deux lycées bilingues au Cameroun, à Buea et à Yaoundé. Les ressortissants d’autres pays africains venaient apprendre le bilinguisme au Cameroun », note -t-il. Le petit élève qui débute le lycée en 1985 avait donc des amis gabonais, gambiens et un nombre importants de camarades nigérians. Il commence l’humour sur les bancs. A l’internat à Buea, le petit Hoga constate qu’on mange du riz tous les jours. Il est inspiré par cette situation et commence à écrire son première texte. Il est intitulé : « la prière du riz ». « Je consolais mes camarades avec cette prière », se rappelle -t-il. Lui qui suit déjà l’évolution des humoristes en vue à cette époque-là remarque que plusieurs ont embrasé la manière de parler des différentes régions du pays. D’autres ont choisi de mimer des bègues. D’autres encore se copient, sans le savoir peut-être.

Au début, il calque un peu sur l’humoriste Jimmy Biyong qu’il apprécie bien. Mais très vite, il reçoit le conseil d’un proche. «Trouve ton jargon, sinon tu feras la publicité à Jimmy Biyong », se remémore l’humoriste Hoga. C’est ainsi qu’il entre dans la peau d’un Nigérian pour gagner sa vie. A l’école, il ne fera pas long feu. Il raccroche son sac après le baccalauréat A. Fils d’un imprimeur, il a dû apprendre aussi ce métier. Toute la famille y est passé d’ailleurs. Quand il se lance dans l’humour à une époque où l’art est considéré comme le chemin des perdus, il n’est pas vite compris par sa famille. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cinquième d’une fratrie de huit, il a toute la considération des siens. « Je ne suis ni le premier, ni le dernier, encore moins le plus riche ou le plus lettré des enfants de mes parents. Mais tout le monde appelle notre maman ‘’la mère de Hoga’’». C’est tout dire.

L’humour dans la famille

Proche de la cinquantaine aujourd’hui, Essomè Nzima Jean Del’or de son véritable nom, veut lancer très prochainement une Web série pour mettre en valeur le talent de femmes humoristes. Lui qui a aussi tenu la main de plusieurs jeunes dans le métier veut poursuivre la chaîne de transmission. Ce transfert de connaissance s’opère aussi dans sa maison. Une famille traversée par la fibre humoristique. « Hoga la muraille » nourrit plusieurs autres projets pour les années à venir. C’est dire qu’il compte sortir sain et sauf de son combat de boxe face au Predator Francis Ngannou. D’ailleurs son coach, Jean Paul Mognemo, est celui qui a formé Francis Ngannou à la boxe anglaise. Sacré Hoga !

Mathias Mouendé Ngamo